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Les explorateurs des mondes perdus

Les explorateurs des mondes perdus
  • Nous sommes une bande d'amis passionnés par l'exploration des lieux abandonnés, leur histoire et leur ambiance. Le but de ce blog est de vous permettre de découvrir une partie de ces endroits fascinant. Bienvenue dans les mondes perdus !
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7 juin 2019

Le chemin de fer souterrain

Le 29 mars 2016 l'un de mes collègues conaissant mon intérêt de l'urbex m'appelle en me signalant qu'il vient de passer devant une cavité souterraine dont la grille venait d'être ecartée, l'endroit étant rempli d'eau il n'a pas pu y pénétrer. A côté se trouve l'entrée condamnée d'un immense tunnel, il ne sait pas si les 2 sont reliés. Il me propose de partir visiter la grotte avec lui.

Le lendemain nous voilà sur place chaussés de bottes et impatients de visiter ce souterrain. C'est que je débute dans l'exploration et que je n'avais pas retrouvé de souterrains (mon type d'urbex préféré) dignes de ce nom depuis celui de la Kriegsmarine. Nous franchissons donc la grille pour une petite promenade souterraine dans un spot qui demeurera sentimentalement important pour moi. Mais avant de l'explorer découvrons l'histoire de cet endroit.

 

Le spot en bref :

Type d'urbex : Souterrain/militaire

Période : construit en 1930, utilisé jusque dans les années 70/80

Constructeur : Génie de l'armée Française

Utilisateur : Marine Nationale
Utilité : Transport d'hommes et de matériel/abri

 

 

 

Histoire :

 

 

C'est au début des années 1930 qu'une voie ferrée est installée dans une grande base militaire française pour faciliter le transport des hommes et du matériel dans son enceinte. La base étant dans une vallée, 9 tunnels sont creusés à travers le flanc des montagnes.

 

Entrée de tunnel à flanc de montagne

 

Equipés de portes d'acier très épaisses ils peuvent également sevir d'abris en cas de raid aérien. Ce qui est le cas lors de la seconde guerre mondiale ou les Allemands les utilisent à ces fins et ouvrent le plus grand du réseau aux civils.

Une porte blindée ferme chaque côté du tunnel

Après guerre la voie de chemin de fer souterraine retrouve son utilité originelle et sert de "métro" au sein de la base. Les convois sont menés par une lourde locomotive BB Fauvet-Girel qui dessert l'entiereté de la base. L'activité des trains cesse progressivement dans les années 80/90 pour s'arrêter complètement.

Dans les années 2000 la base cède une partie de son terrain à la commune contenant ce tunnel ferroviaire. Il mesure dans les 400 mètres, possède 2 sas à l'entrée et à la sortie creusés dans la roche même ou circulait dans le premier une petite voie à écartement de 60 centimètres nommée également Decauville. Peut être à t'elle servie pendant le creusement ou servait elle à transporter les marchandises après déchargement du train principal.

Voie Decauville secondaire

Enfin une petite casemate Allemande type R-127 et plusieurs tobrouks (nids de mitrailleuse) le défendent (ainsi que l'ancienne porte de la base)

Bunker type 127

Explorons :

Sas secondaires : des salles taillées dans la roche brute

Le tunnel principal étant fermé c'est par l'un des sas piéton que nous passons pour le rejoindre. Les sas ont été rebouchés par des tas de remblai, fort heureusement de courageux explorateurs nous ont machés le travail en creusant des chatières , il y en à deux à franchir qui divisent le sas en 3 pièces. Il y à 15 à 20 centimètres d'eau.

Sas d'entrée secondaire taillé à même le roc

Au bout de la première salle la voie de 60 commence et continue derrière un énorme tas de remblais à l'équilibre instable. C'est une immense cavitée dans laquelle on se retrouve. L'ambiance du tunnel est étrange, tout est incroyablement silencieux alors que nous progressons le long des parois de roche jaunie par endroit à cause du fer. Le silence n'est troublé que par des chutes de gouttes. On se croirait presque dans une grotte naturelle si des trous disposés à accueillir une charge de TNT ne parsemaient pas les roches.

La deuxième salle est inondée aussi et ne consiste qu'en une pièce traversée par la voie Decauville

2e salle

Voie à écartement de 60 dans l'eau cristaline

Nous franchissons la deuxième chatière et arrivons dans une salle encombrée de multiples débris en bois et en acier. On reconnaît des cadres de lit, du bois de caisse et de la porcelaine, peut être de l'époque ou le tunnel servait d'abri. C'est un assez gros fouillis qui trempe dans une boue épaisse.

Au fond de la pièce se trouve une porte, ou va t'on déboucher ?

Accès à la galerie principale

Le chemin de fer

Nous franchissons l'encadrement de porte et nous voici dans dans le tunnel principal.C'est impressionnant, la voûte devient subitement très haute (5 mètres) et le vent souffle à travers la galerie parcourue par la voie ferrée. Nous avons vraiment l'impression de nous retrouver dans une base secrète de film.

L'exploratrice donne une idée de la hauteur de voute de la galerie principale

Comme nous sommes près de l'entrée nous allons la voir en premier avant de nous enfoncer dans les abysses du tunnel. Le premier détail qui frappe est bien sur la porte blindée. Cette porte est monstrueuse et très épaisse. un passage permet aux piétons de la contourner. Aucune trace de machine qui aurait aidé à l'ouvrir n'est visible, elle était donc probablement actionnée à la main.

Porte blindée

Gond de la porte blindée

Gond inférieur de la porte

A l'entrée du tunnel se trouve aussi un ancien feu de signalisation qui régulait la circulation des trains.

Feu latérale de signalisation ferroviairePassons à la galerie elle même. Ce tunnel est long d'environ 400 mètres, le plus long du réseau en fait 700 et passe sous tout un quartier de la ville et le plus court n'est long que de 14 mètres. Notre portion est composée d'une ligne droite et de deux virages aux entrées.

La ligne droite principaleAu fur et à mesure de la marche dans le tunnel le silence est peu à peu brisé par le vacarme de gouttes qui tombent du plafond. Les infiltrations sont très nombreuses. A certains endroits l'eau arrive à flot par des tuyaux incrustés dans le ciment, à d'autre elle passe simplement à travers le ciment.

Tuyaux évacuant l'eau qui pèse au dessus de la galerie

Tout le long de la voie se trouvent des niches de protection, ces niches placées dans les murs à intervalle régulier permettent aux ouvriers en service durant des travaux ferroviaires dans le tunnel de se mettre en sécurité au passage de trains avançant à allure réduite. La dernière est équipée d'un téléphone de secours.

Niche de protection avec emplacement pour téléphone

Le long de la voie se trouvent plusieurs petits artefacts sans valeur, gonds de porte, manilles, boulons de rails etc... Les rails se poursuivent encore et encore...

 

La voie souterraine

Manilles de levage rouillées

Rails principaux

 Soudain au détour d'une courbe nous arrivons face à de la lumière.

Dernière courbe du tunnel

Pause le long des voiesPrès de la courbe finale du chemin de fer avant la sortie se trouve les restes d'un boîtier pour téléphone de secours. Juste avant la sortie se trouve l'entrée bétonnée d'un sas piéton.

Entrée bétonnée du sas piéton

Le sas vu d'un trou dans les parpaings

Reste d'un boitier de téléphone

Nous franchissons la deuxième porte blindée et son passage dérobé derrière lequel se trouvent des ossements de chat. Nous arrivons à présent à la sortie. Le tunnel est bloqué par des grilles à sa sortie également. Nous nous arrêtons pour contempler la lumière pénetrant dans les abysses avant de repartir en marche arrière pour rejoindre la ville sous laquelle nous marchons.

Squelette de chat

Sortie

Lumière au bout du tunnel

Même ici, la nature reprend ses droits

Ce qui frappe lors de la visite de cette cavité c'est son ambiance. La nature y a très vite repris ses droits, bien sur ce n'est pas devenu une forêt luxuriante, obscurité oblige, mais l'ambiance ressemble à celle d'une grotte du aux minéraux et aux animaux qui s'y trouvent.

L'eau qui s'infiltre à travers le ciment dépose du calcaire sur les parois, menant à la création de concrétions : fistuleuses, stalactites, stalagmites et coulées calcaires. Ces formations ainsi que le bruit permanent des gouttes d'eau donnent vraiment l'impression de se trouver dans une caverne, encore plus dans les sas creusés à même la roche.

 

Fistuleuses causées par les infiltrations calcaires

Le tunnel accueille aussi une faune assez riche et typique du milieu cavernicole. D'immenses colonies de chauves-souris y trouvent refuge. L'espèce principale que l'on rencontre ici est le grand rhinolophe, une chauve souris reconnaissable à son nez aplati en forme de fer à cheval et sa forme de cocon quand il dort. Ils sont des centaines à utiliser le tunnel comme gite d'hiver (en été pour la reproduction les colonies occupent de préférence des lieux plus chauds comme les greniers).

Grand rinolophe

Colonie de Grands Rhinolophes

Petit chiroptère d'une autre espèce

 

Bien entendu, les chauves souris étant une espèce protégée, il est nécessaire de prendre certaines précautions  quand on visite un de leurs abris comme rester discret et éviter l'éclairage prolongé ainsi que le contact.

Plusieurs sortes d'insectes volants utilisent également le tunnel comme dortoir.

Papillon de nuit dans un sas

L'eau qui innonde le sas d'entrée sert aussi de lieu de ponte pour les salamandres, d'ou la présence de nombreux tétards à cet endroit, eux aussi sont protégés et il faut regarder ou on met les pieds afin de ne pas les écraser. Dans ces sas les larves grandissent sans craindre de prédateurs, elles respirent sous l'eau grace à des branchies bien visible autour de leur tête qu'elles perdent en devenant adulte. La salamandre adulte est incapable de nager et prend de gros risques à la reproduction puisque celle-ci à lieu dans l'eau.Tétard de salamandre commune

Les branchies de la larve de salamandre sont très visibles

 

En plus de servir de nurserie et de dortoir, le tunnel est également le milieu de vie permanent de tout une faune cavernicole que l'on ne retrouve normalement que dans les grottes. Plusieurs sortes de champignons et de moisissures poussent sur le bois pourri de la troisième partie du sas qui leur fourni un excellent support.

Champignons des tréfonds

Plusieurs espèces d'invertébrés profitent également des conditions de l'endroit, ces animaux sont des espèces cavernicoles et pas des animaux de surface adaptés au millieu comme c'était le cas des crabes dépigmentés rencontrés dans les égouts (voir article précédent). On retrouve principalement des crustacés terrestres tels que des isopodes (famille des cloportes), mais aussi des animaux aquatiques tels que les Niphargus, de petites crevettes aveugles et blanches (2 caractéristiques typiques des animaux cavernicoles), ces niphargus sont une espèce emblematique des plans d'eau souterrains, par un caprice de dame nature certains se sont retrouvés dans les flaques du sas secondaire.

Isopode cavernicole

Niphargus

(désolé la photo du Niphargus est très mauvaise, il faut dire aussi que l'animal ne fait pas plus d'1 millimètre, si vous voulez une idée plus précise de l'aspect de cet animal il y a de très bonnes photos sur internet)

Par l'exemple de ce tunnel, la nature une fois de plus qu'elle reconquiert toujours les territoires qui lui ont été pris et parfois en très peu de temps. Même les parois bétonnées du tunnel finissent par disparaître sous le calcaire, si cet endroit est toujours la dans 1000 ans, à quoi ressemblera t'il ?

Aujourdh'ui le tunnel et son sas ont été rebouchés courant 2018 et sont complètement inaccessibles. Le rebouchage à été fait dans le respect de l'environnement, des passages ont étés aménagés pour les chauves souris et les salamandres (c'est assez rare pour être souligné).

 

Cet endroit fut le théâtre de nombreuses visites, qu'il s'agisse d'exploration entre amis, de simple promenade pour profiter du calme ou de sorties biologies... Adieu tunnel et merci pour tout !

 

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22 avril 2019

Une soirée dans les égouts

Février 2016, toujours à nos débuts dans l'exploration urbaine, nous cherchons des spots partout. En amateurs de souterrains c'est en toute logique que nous cherchons à accéder aux égouts. Ce n'est bien sûr pas un lieu abandonné, mais il y a peu de risque d'y rencontrer quelqu'un et l'endroit peut être intéressant. Les accès sont bien sûr très difficiles à trouver puisque les plaques de fontes sont très lourdes et souvent situées sur les routes. Finalement nous trouvons une portion désaffectée par les égoutiers, un exutoire rejetant les eaux de ruissellement en mer. Notre visite sera donc celle des dessous d'un port.

Le spot en bref :

Type d'urbex : Souterrain

Période : Seconde moitié du 20e siècle

Constructeur : Commune

Utilisateur : Commune
Utilité : Evacuation des eaux

Le boyau que nous visitons est désaffecté par les services de la ville et visitable sur quelques centaines de mètres et s'étend sous une partie du port. Des puits de sortie (scellés) se trouvent tous les 20 mètres environs.  La visite de réseaux d'égoûts peut être dangereuse et il convient de prendre des précautions. Il ne faut pas accéder aux réseaux en cas de pluie car ils se remplissent rapidement et l'on peut s'y noyer. A cause de sa proximité avec la mer le boyau que nous visitons se remplit aussi à marée haute, pour y pénétrer nous avons choisi d'attendre le moment ou la mer vient de s'en retirer afin de garder une marge de sécurité importante (bien que la visite ne soit pas longue). Enfin un autre danger est la présence possible de certains gaz toxiques dans les égouts comme le monoxyde de carbone ou le méthane.

 

 

Explorons !

Il fait nuit et la mer vient de se retirer, nous entrons par l'exutoire, le port des bottes et d'un ciré crado est de rigueur. Les premiers mètres se font dans un boyau d'écoulement d'une cinquantaine de mètres. Ils n'ont pas été prévus pour être empruntés puisque nous sommes obligés de progresser accroupis parmi de nombreux crabes. Les anciens puits de remontée nous permettent de faire de nous lever pendant de brèves pauses. En cas de bouchons, pour déboucher ce type de boyaux cylindriques les égoutiers utilisent des boules de nettoyage du diamètre des conduites qu'ils récupéraient à la sortie.

Les premiers mètres sont difficiles

Placés tous les 20 mètres environs, les puits de remontée permettent de se reposer

Le conduit est parfaitement circulaire

Au boût d'un moment nous arrivons dans une zone ou nous pouvons à présent nous tenir plus ou moins debout. C'est un long couloir avec quelques bifurcations et exutoires secondaires. L'une d'elle nous mène sur une impasse malodorante au bout d'un tunnel dont le sol humide est recouvert de filaments bactériens blancs, peut être une zone d'eaux usées puisque plusieurs déversoirs y aboutissent, donnant sur une grande flaque blanchâtre. Impossible de continuer dans ce sens.

Boyau lointain

 

Nous poursuivons donc le long du boyau principal. Nous marchons longtemps sur le substrat vaseux ou se trouvent des formes de vie cavernicoles. Puis enfin nous arrivons au bout du boyau praticable, il n'y a ici qu'une flaque d'eau donnant sur un petit deversoire ou ondulent de grosses anguilles. C'est la fin de ce secteur.

La vie dans les égouts

 

 

Aussi étonnant que cela puisse paraître nous avons pu rencontrer de nombreuses espèces animales dans cette portion d'égoût, la proximité avec le port aidant bien entendu.

Les premiers mètres sont bien sur les plus riches puisque les murs y sont recouverts de coquillages et que de nombreux crabes s'y abritent ainsi que quelques blennies (des poissons qui restent parfois hors de l'eau à marée basse). Des formes de vie assez classiques du bord de mer. Mais plus loin ce sont des animaux plus singuliers que l'on rencontre.

Des animaux assez gros et visibles comme les rats, mais aussi des formes de vies plus discrètes telles que de petites anémones de mer fixées sur certains roches.

 

Parmi les habitants les plus spectaculaires de ce spot on trouve les anguilles. Elles sont quelques dizaines dans les flaques d'eau profondes laissées par la marée et les tuyaux immergés. La rencontre est plutôt spectaculaire et inattendue, certaines mesurent une soixantaine de centimètres.

Grosse anguille dans une flaque

Rencontrer des anguilles dans ces zones privées de lumière n'est pas si étonnant, ces poissons sont des champions de la survie. Leur habitat principal se trouve dans les fonds sablo-vaseux, mais elles sont capables de survivre aussi bien en eau douce qu'en eau de mer et de rester immergées plusieurs heures graçe à leur mucus qui les protègent de la deshydratation (certaines traversent même des champs en rampant pour regagner des points d'eau. Pendant leur migration vers leur lieu de reproduction elles descendent jusqu'à 1000 mètres de profondeur dans l'obscurité total. Elle peux aussi rester longtemps sans manger et craint peu la pollution. De très nombreuses autres annecdotes passionantes éxistent au sujet des anguilles Européennes, mais celles-ci vous feront comprendre pourquoi vivre dans les égouts n'est pas du tout un problème pour elles.

L'anguille européenne peut survivre dans des milieux extrêmes

Mais ce petit réseau d'égout abrite une autre espèce tout à fait surprenante. Parmi les nombreux crabes qui vivent dans les boyaux, ceux de la zone lointaine présentent des caractéristiques typiques des animaux cavernicoles : Ils sont complètement décolorés.

Un crabe vert dépigmenté

En temps normal ces crabes vivent en haut de la zone des marées et se nourissent d'algues mortes qui leur donne une coloration verte ou brune qui leur donne le nom de crabes verts. Or, dans les égouts les algues et autres végétaux ne poussent pas à cause de l'absence de lumière, ces crabes doivent donc se nourrir exclusivement d'autres animaux et de charognes qui ne contiennent pas de pigments. Les crabes verts deviennent donc blancs. Ce phénomène de décoloration s'observe chez toutes les espèces cavernicoles, mais dans le cas du crabe vert qui est normalement une espèce de surface c'est un fait très rare. Il ne s'agit pas d'albinisme car si l'on sortait ces crabes de leurs égouts et qu'on leur faisait adopter le même régime que leurs semblables ils vireraient rapidement au vert !

La dépigmentation est typique des milieux cavernicoles

Après avoir rencontré les habitants étonnants des tréfonds du port il est temps pour nous de remonter à la surface avant que la marée ne s'introduise dans l'égout. La visite aura duré une trentaine de minute. L'intérêt de cet endroit ne réside pas dans sa richesse patrimoniale ou sa beauté, mais plutôt dans le biotope qu'il abrite. L'exploration urbaine est aussi l'occasion d'observer la façon dont les êtres vivants s'approprient les infrastructures humaines une fois hors d'usage. Même les animaux aquatiques s'adaptent à ces millieux artificiels ou finissent par se développer des écosystèmes... La vie trouve toujours un chemin. Quand à nous nous empruntons celui du retour en attendant de trouver le lieu de notre prochaine aventure.

 

 

 

 

6 mars 2019

Les entrepots perdus de la colline

Si les villes sont le lieu privilégié de l'urbex il existe aussi, cachés au fond des forêts, des endroits tout a fait extraordinaires ! C'est le 15 janvier 2016 que mon premier collègue d'exploration, alors étudiant avec moi me fait découvrir cet endroit sans prétention mais sympatique, nous en sommes encore à nos tout débuts dans le monde de l'urbex. Nous sommes empêtrés dans la forêt depuis un moment quand nous arrivons devant une série de petits batiments en pierre alignés dans une tranchée. Dans ces batiments se trouvent du matériel divers. Après les avoir explorés nous en déduisons qu'il s'agit de vieux entrepôts militaires du 19e siècles. Et c'était bien vu...

Le spot en bref :

Type d'urbex : Militaire/rurex

Période : 1877/1878, 3e République

Constructeur : Ministère de la guerre sous ordre du général Seré de Rivière

Utilisateur : Armée française

Utilité : Défense de côte

 

Histoire :

Mon camarade et moi avions vu juste, ces constructions datent du 19e siècle. Il s'agit d'une batterie d'artillerie française construite entre 1877 et 1878. Mais les emplacement de canons ayant disparus il est dificile de s'en rendre compte sans bien connaitre la période. La batterie fait partie du système Seré de Rivière, un réseau de fortification mis en place après la défaite de 1870. Il consiste en un ensemble de forts indépendants les uns des autres capables de se défendre mutuellement en cas d'attaque. Ici il ne s'agit que d'une batterie d'artillerie de côte mais elle s'inscrit dans ce système. Le but du système Seré de rivière est de ralentir une attaque surprise afin que l'armée ait le temps de s'organiser. A titre d'exemple, les forts de Verdun font partie de ce système.

 

Plan succint du site

 

Notre batterie est équipée de 2 canons lourds de 320mm et 4 de 240mm sur des plateformes placées entre 6 abris traverse destinés à protéger le materiel et les munitions, ce sont les batiments que nous prenions pour des entrepôts. Si les abris traverses sont encore bien visibles, les plateformes d'artillerie ont complètement disparues sous la végétation. Tout le site est desservi par une tranchée de 4 a 5 mètres de profondeur.

 

Abri traverse entre les plateformes de tir

Au nord de la position se trouve un magasin à poudre modèle 1879 qui était surement relié aux plateformes par des rails à l'époque.

Le magasin à poudre modèle 1879. Après 1885 ils seront construits sous rocLe site n'a participé à aucune des deux guerres mondiale. Après la deuxième il sert d'entrepôt à la base militaire la plus proche qui y stock du matériel très divers (radiateurs, barbelés, amiante) puis il est abandonné à une date inconnue (peut être dans les années 1990). Les batiments centenaires et une partie du matériel laissé sur place par les militaires pourrit toujours tranquillement dans cette jolie forêt côtière au son des chants d'oiseaux. C'est une exploration sans prétention, mais l'urbex c'est aussi ça, de petits lieux qui ont eux aussi leurs histoires et leurs trésors.

Explorons !

 

Les abris-traverses:

Il s'agit de la partie la plus visible du site, ils sont au nombre de 6 et contiennent encore le matériel que l'armée y a laissé après son départ. La visite est assez agréables pour peu qu'on aime la nature et se fait en suivant la tranchée parmi les hautes herbes et les fougères. Certains sont encore équipés de leurs lourdes portes en bois massif et l'un d'entre eux à été équipé d'une porte coulissante. Certains contiennent encore du matériel, ainsi dans l'un d'entre eux on trouve un stock de vieux radiateurs, dans un autre des compresseurs, mais la palme de la cargaison la plus imposante est décernée à celui qui contient un stock énorme de rouleaux de barbelés et de piquets destinés à attacher ces mêmes barbelés.

 

Hola Gringo ! Tu veux mes radiateurs ?

 

Compresseurs

Compresseur frigorifique

Du barbelé jusqu'au plafond !

"Plaque constructeur" des barbelés, le 58 correspond peut être à l'année

Intérieur d'un abri traverse

En poursuivant notre chemin jusqu'au bout de la tranchée on tombe sur les ruines de la maison du gardien, c'est une simple bâtisse sur un niveau dont il ne reste que les murs.

La maison du gardien

Le Magasin à poudre :

L'élément suivant de la visite est le magasin à poudre. Son entrée est plutôt bien cachée, la tranchée qui le relie à la batterie est bouchée par les ronces, si bien que je ne l'ai découvert qu'en Mars 2018, 2 ans après ma première visite. La première fois nous avions simplement vu les cheminées d'aération en imaginant qu'il s'agissait d'un bunker ou d'un souterrain militaire, mais sans jamais le trouver. Ce jours de Mars 2018 j'y retournais avec l'intention de découvrir ce qu'il y avait sous ces cheminées. Après avoir réussi à accéder à l'autre côté de la tranché j'arrivais enfin devant la magnifique entrée du magasin aux poudres.

Arrivée par le dessus

C'est donc tout émoustillé que j'entre dans cette construction qui m'intrigue depuis 2 ans. Je n'y prête pas attention tout de de suite, mais dès l'entrée tout un stock de caisses en bois est empilé dans le couloir. Sur ma droite un couloir puis l'entrée d'une pièce, droit devant, un autre couloir. Je choisis de commencer par visiter la première pièce. Il s'agit de la soute ou étaient entreposés les obus de la batterie. Elle est aérée par 2 prises d'aire qui mènent aux cheminées que j'avais aperçues de dessus et éclairée par un créneau de lampe à pétrole.

Vue d'ensemble du magasinAu milieu de la pièce trône également une vieille pile de caisse, cette fois je les remarque, le bois est complètement pourri. Elles ressemblent véritablement à des caisses de munitions. Sur le couvercle on peut encore lire une inscription "sondage de 0.00 A2", je soulève le dit-couvercle et en guise d'obus je tombe sur 3 cylindres de béton, des carottes de sondage. Toutes les autres caisses en contiennent, j'ignore pourquoi il y en à tant concentrées à cet endroit. Peut être du matériel utilisé par le génie pour ses chantiers ?

Empilement de caisses à l'entrée

Carottes de sondage

Marquage de l'une des caisses

En sortant de la pièce je part à la découverte du couloir qui part droit devant. En réalité il ne fait que faire le tour de magasin et permet d'accéder à l'égout de la construction. Lui aussi est aéré par une cheminée. Quelques chauves-souris sont suspendues au plafond blanchi à la chaux.

Ce couloir fait le tour de la soute. 2 chauves souris sont visibles au fondSur le sol se trouve la plaque qui mène à l'égoût. Ce dernier est bas de plafond et plusieurs vieilles bouteilles de Perrier y sont éparpillées. Il s'étend sur toute la surface du bâtiment et on peut y voire 3 voûtes qui soutiennent l'ouvrage. Au fond se trouve un petit boyau d'évacuation d'environ 10 mètres à moitié rempli d'eau ou je suis presque contraint à ramper, mais qui malheureusement s'est effondré au fond.

Une ambiance de catacombes

Voûte de soutien

Après la visite de l'égoût il ne reste plus qu'à suivre le couloir qui nous mène à la sortie. Le décor minéral fait place à la forêt, les oiseaux chantent à nouveau et les chauds rayons de l'après midi caressent la pièrre du vieux bâtiment. Le temps de sortir de la tranchée et de rejoindre le sentier principal, plus aucune traçe de la batterie n'est visible. C'est la fin de la visite de cet endroit tout simple et pourtant riche de témoignages du passé. Il nous apprend que l'exploration peut être partout, au fond du moindre fossé suspect.

21 décembre 2018

Le Mur de L'atlantique (partie 2) Exploration : Batterie Kaiseradler

Attention : Si vous ne connaissez pas bien le sujet du mur de l'Atlantique je vous conseille de lire la partie 1 pour vous familiariser avec certains termes.

Les noms des batteries ont été changés pour éviter leur dégradation, je connais les vrai noms, pas la peine de les écrire en commentaire !

 

Après avoir expliqué ce qu'est le mur de l'Atlantique dans l'article précédent je vais maintenant vous parler au travers de plusieurs articles, de l'exploration de certaines batteries et points d'appuis intéressants à visiter. Le tout agrémenté de plans (moches) pour vous donner une idée de l'organisation que ces endroits avaient à l'époque. Commencons Derechef avec :

1 : Batterie et point d'appui Kaiseradler

 

Le spot en bref :

 

Type d'urbex : Militaire

 

Période : Seconde Guerre Mondiale

 

Constructeur : Allemagne nazie

 

Utilisateur : Kriegsmarine

 

Utilité : Défense des côtes

 

Fresque de l'aigle impérial

Pour commencer attaquons nous à un gros morceau, cette batterie est la première que j'ai visité. Je l'ai découverte par hasard sur le chemin de la plage avec mes cousins il y a fort longtemps, bien que ne m'intéressant pas encore beaucoup au sujet à l'époque le nombre très important de bunkers tout le long du chemin m'avait frappé. Quand le virus de l'exploration m'a atteint un soir de janvier 2016 je suis retourné visiter cette batterie et ai découvert ses ouvrages un par un. Aujourdhui, des années après je fait encore des découvertes de façon régulière sur ce site incroyable. Nous déborderons un peu de ses limites pour la visite. Il s'agit d'un très puissant ensemble de fortifications placées en défense d'une ville stratégique et bloquant l'accès d'un passage serré. Actuellement certains bunkers sont bien conservés et on y retrouve de nombreuses fresques murales. Ce site étant immense la carte est surement incomplète et il existe surement plusieurs bunkers que je ne connait pas.

Plan général de la batterie et ses environs.

Pour plus de facilité j'ai divisé la batterie en plusieurs secteurs, on peut voir sur ce plan schématique les routes et points fortifiés principaux. La zone se compose de 3 plages, de côtes rocheuses et de 4 plateaux séparés par de petites vallées ou passent les routes. Une partie des secteurs 3 et 5 sont inaccessibles.

 

La visite commence par le secteur 1, un petit point d'appui terrestre (Normalement situé bien plus au nord sur la carte, mais la place manquait). A l'époque la zone faisait parti de la ligne de défense externe de la forteresse et était délimitée par des fossés antichars et champs de mines. Des tobrouks et casemates raccordés par un réseau de tranchées sont chargés de la défense. Aujourd'hui les fossés et tranchés sont remblayés et les ouvrages restants sur la zone se font discrets.

Organisation du point d'appui terrestre de la batterie

La plupart des bunkers sont enterrés et seules émergent les dalles de couverture. On trouve de nombreux petits abris légers de type Vf2a dont les entrées ressemblent plus à des terriers de blaireau qu'autre chose. Dans certains on retrouve de petites reliques comme des fragments de poêle, des balles ou des piquets à barbelés.

Balles de calibre 7.92 MauserPlus loin à l'orée d'un sous bois, une petite casemate pour canon de forteresse Sköda est embusquée. L'intérieur est très propre et on y trouve de nombreuses peintures de consignes ainsi qu'une maxime très répandue sur le mur de l'Atlantique : Treue ist das Mark des Ehre (La fidélité est l'essence de l'honneur).  Près de la trémie qui accueillait le canon se trouve une petite consigne de tir indiquant les réglages pour le canon de forteresse de 4.7cm et la mitrailleuse qui y était couplée.

Instructions à l'entrée de la casemate

Couloir d'accès à la chambre de tir et support de periscope

Trémie du canon avec instructions et maxime

Pas loin se trouve un petit abri type 502. En y entrant on constate un trou béant dans le mur, on pourrait croire à l'impact d'un obus, mais il s'agit en réalité de férailleurs qui arrachèrent le créneau de fusillade blindé défendant l'entrée du block. Mais l'objet fait une telle masse qu'ils ne réussirent jamais à le sortir, il repose toujours sur des cales en compagnie d'une partie de la tuyauterie du bunker. Dans les 2 salles qui composent l'abri on trouve des épaves de vélos et de landeaux qui donnent un air encore plus sinistre à l'endroit. Au mur se trouve la citation "Le Führer ordonne, nous obéissons".

La meurtrière blindée arrachée du mur

Ce bunker a visiblement servi de garage après guerre

Une ambiance riante et légère

La maxime de l'abri

Restes d'un robinet

Nous nous rendons maintenant sur le deuxième secteur. Ces bunkers sont affectés à la défense d'une petite plage situé à l'ouest de la position. Les pièces les plus intéressantes sont une casemate de type 505 qui abritait un petit canon antichar et une casemate pour mitrailleuse R-515. Les deux sont encores équipés de tout leurs blindages et leurs portes. Les 2 casemates sont décorées de fresques. La plus impréssionante étant l'aigle impérial qui trône dans la chambre de tir du 515 suivi de la maxime "Nous combattons pour l'avenir de la grande Allemagne". Une autre citation accompagnée d'un petit aigle était visible dans le 505 mais est malheureusement très abimé actuellement.

Plan de la position

 

Plaque blindée type 727P3 de la casemate 505. Elle est ocultée par son volet blindé.

Restes de croix gammée et d'inscription dans le 505

Motif de tulipes et supports de banettes dans la salle du personnel

Judas de porte étanche 19P7

Fresque de l'aigle impérial, la plus impressionante de la batterie

En continuant vers l'est nous arrivons sur la batterie en question, même le long du chemin il est impossible de ne pas remarquer que nous sommes sur un ancien site militaire : partout les immenses masses des casemates R-671 émergent de la végétation. La batterie est bien défendue ce n'est pas moins de 10 bouches à feux dont 7 casemates type 671 qui défendaient le secteurs des attaques marines. C'est une véritable salade de calibres ! A l'est 4 casemates hébergaient des canons de 105, à l'ouest 3 canons de 8.8cm et sur les hauteurs 3 casemates terrestres type 669 étaient équipés de canons de 15cm. Ces 3 dernières casemates ainsi que le poste de direction de tir à 3 étages sont inaccessibles car en terrain privé, noyés sous une véritable jungle.

Plan de la batterie côtière

Les éléments visitables sont les 7 casemates et un petit abri pour projecteur français probablement construit à la fin du 19e siècle ou au début du 20e. Les casemates sont très impressionantes, leur gueule menacante est pointée vers le large comme prête à cracher le feu. Certaines ne sont accessibles qu'au prix d'une périlleuse escalade. On remarque vite que celles de la batteries de 10.5 ont étés sabotées à l'explosif avant sa rédition : le béton est lacéré et les restes de deux canons de 10.5 traînent au bas de la falaise.

Les casemates de 10.5cm de la batterie Est

Casemate de 8.8cm de la batterie Ouest

Les stigmates du sabotage sont bien visibles sur ce bunker

Vestige d'un canon

L'abri pour projecteur français

Deux de ces casemates présentent des particularités: l'une est équipée de 3 petites soutes à munition numérotées à son arrière et l'autre à des degrès d'angle peints sur l'avant de sa plateforme de tir pour aider les artilleurs à orienter leur arme.

Marquage d'une des soutes

Degrès d'angle

Cette partie de la batterie réserve également quelques surprises intéressantes pour qui saura les trouver. On trouve les 2 tubes de canons évoqués ci dessus, des restes de camouflage, des douilles de canon de 10.5cm, mais aussi parfois de dangereux engins explosifs (du moins ce qu'il en reste), leur découverte est à signaler au déminage.

Ce qui semble être les restes d'un obus de 20mm, dans le doute on ne touche pas

Douille de 10.5cm

Oh ! En voilà d'autres !Après la batterie de marine arrive un autre gros morceau : la colline 1. Cette position est défendue par plusieurs ouvrages cuirassés et une batterie antiaérienne (FLAK) équipée de 4 cuves pour canons Flak 38 de 10.5cm dont le tir est assisté par 2 postes de directions de tir (Leitstand) armés également de canons.

Batterie AALes cuves de DCA sont en très mauvais état, recouvertes par la végétation et à moitié détruites pour certaines. Elles renferment tout de même quelques marquages sympathiques. Les leitstands sont bien moins impressionnants que sur les batteries de marines, il s'agit de petits bunkers à une pièce placés sous une cuve antiaérienne.

Instruction de tir pour FLAK 10.5

Autre marquage de tir très effacé, on distingue le mot "Stuka", nom d'un chasseur bombardier allemand

Porte d'un LeitstandSi les ouvrages de la batterie flak sont facilement visible il en va autrement des autres bunkers. La plupart sont enterrés et les entrées encore accessibles sont souvent camouflées et dangereuse. C'est ainsi au prix d'une périlleuse descente que l'on peut encore accéder à un des bunkers cuirassés, un H-634 pour deux mitrailleuses MG-34. Tout l'intérieur est recouvert par d'étranges motifs muraux. La casemate conserve encore un peu de matériel (il est en effet impossible de sortir ce qui reste vu la configuration de l'entrée) : le puits de la cloche est encore équipé de tuyaux de descente des douilles qui permettaient de ne pas encombrer la tourelle, ce dispositif se retrouve sur plusieurs ouvrages cuirassés notamment sur la ligne Maginot ou se trouvent des toboggans d'evacuation pour les douilles de canon. Les cartouches filtrantes du ventilateurs sont également toujours présentes, parfois encore raccordées entre elles. Elles étaient placées sur le ventilateur en situation de combat.

Tuyau d'évacuation des douilles

Cartouches filtrantes telles qu'elles étaient montées sur le ventilateur, la plus grosse contient du charbon actif

Cartouches de rechange. Notez les motifs muraux à l'arrière plan

Encore une petite cartoucheVous pouvez visiter ce bunker en vidéo ici :

Après la batterie aérienne nous redescendons le long du flanc de la colline pour parvenir au secteur suivant. Nous rencontrons une casemate antichar R-505 sur notre chemin, l'endroit est bien défendu : la route en contrebas est couverte par cette casemate pour canon ainsi qu'un H-515 et un H-648 abritant une mitrailleuse chacun de l'autre côté. La casemate 505 est encore équipée de sa plaque de blindage 727P3 et de ses portes 434P01, 447P01 et 19P7 (ce n'est pas grave si vous oubliez les noms des blindages).

Casemate R-505 avec plaque 727P3

Tuyauterie et support de ventilateur

Nous arrivons maintenant sur la colline voisine, on y trouvait les cuves à mazout du port militaire, aussi le point est très bien défendu. Le sommet de la colline étant malheureusement en terrain privé nous ne pourrons voir que les fortifications situées sur ses flancs .

Coline

Le premier block que nous rencontrons est en très mauvais état, le plafond est complètement décalé par rapport aux murs, comme s'il avait subit une explosion interne. L'histoire de sa destruction prête à sourire puisqu'elle n'est pas à attribuer à une quelconque bombe américaine mais à une simple bande d'enfant. En effet après guerre le fait que la ville soit dévastée n'empêchait pas les enfants du coin de s'amuser. Plein d'imagination, les chers bambins avaient pris l'habitude de dévisser les têtes des obus afin d'en récolter la poudre pour faire des pétards (ne faites pas ça chez vous!). C'est ainsi qu'une bande de gamins s'éclairant à la torche s'aventura un jour dans ce H-648 ou étaient entreposées des caisses d'obus (peut être posées la par les démineurs surmenés puisqu'il s'agit d'une casemate pour mitrailleuse). Les torches, en se consumant, faisaient tomber des particules enflammées sur le sol, jonché de caisse d'obus, que les enfants éteignaient aussitot. Peu après être sortis du bunker la bande de gamin entend deux puissantes détonations: la casemate vient de sauter! Ce qu'aucun obus américain n'avait réussi, une poignée d'enfant y était parvenu involontairement. Aucun blessé heureusement, mais ils n'ont pas du recommencer ce jeu après ça ! (Quoique !)

L'explosion a vraiment du être phénoménale quand on voit comment le mur s'est soulevé ! C'est dommage d'ailleurs, c'est un bunker très rare !

Mur déporté par le souffle de l'explosionEn revenant vers la mer on croise 2 H-515 pour mitrailleuse ainsi qu'une petite casemate R-667 pour canon antichar. Dans cette dernière ce trouve de petits dessins au crayon representants des soldats et divers emblêmes nazis dessinés maladroitement. Peut être après guerre par des enfants ? Certains détails sont tout de même assez précis, l'un des soldats est coiffé d'un casque portant un insigne de la Luftwaffe (armée de l'air), les defenseurs de cettes zones étant des parachutistes c'est assez troublant, on trouve aussi une tête de mort avec un casque a pointe et un design bien allemand.

Plaque blindée type 7p7 de casemate R-515

Numéro de série de la plaque 7p7

Casemate R-667 pour canon de 5cm Kwk

Portait d'un soldat de la Luftwaffe, surement un para

Tête de mort et petite inscription en AllemandDans la continuité de cette casemate nous tombons directement sur une ancienne infirmerie type Ra-128 dont l'intérieur est décoré de motifs abstraits et de fleurs. Les motifs sont si étranges que la première fois que j'ai visité ce bunker je n'était pas sur qu'ils soient d'époque.

L'infirmerie Ra-128 et ses étranges pochoirsDans les environs proches se trouvent un rare tobrouk pour lance flamme et un troisième 515 inaccessible. Sur les flancs d'une troisième colline se trouvent 2 vieux entrepots. Leur histoire est incertaine, il s'agit pour moi de bâtiments français du début du siècle vu leur aspect. On sait en tout cas qu'ils ont vécus la guerre et que les Allemands les ont utilisés pour stocker du matériel. Ils se composent tout les 2 d'un couloir desservants plusieurs pièces des 2 côtés. L'un d'entre eux à également été victime d'une frappe ou d'un sabotage puisque l'une des pièce est crevée par une déflagration, c'est un spectacle vraiment impressionant. La faible épaisseur de béton est complètement disloquée.

On trouve aussi quelques dessins érotiques, mais bien qu'anciens ces derniers sont surement d'après guerre puisqu'on en retrouve du même auteur sur d'autres batteries.

Pièces de stockage de l'entrepôt 1

Couloir principal de l'entrepôt 2

Mur soufflé par une explosion

Ancienne fresque érotique au fusainLa dernière fortification de ce site est une dernière casemate R-671 complètement excentrée du reste de la batterie. Isolée et invisible à moins de 5 mètres au fond d'une jungle de lierre et de ronces elle est aussi surnommée "casemate Rahan". Après une difficile route nous l'atteignons enfin. Elle était équipée d'un petit canon de 7.5cm dont le pivot est encore présent. Sur le sommet se trouve un tobrouk (c'est assez rare sur ce type de blockhaus). Au sol trainent quelques restes de vaisselle ainsi que des fragments de caisses de munition toutes tordues.

Engloutie sous le lierre, la dernière casemate à des aires de cité perdue

Chambre de tir avec pivot de canon de 7.5cm

Tobrouk au sommet de la casemate

Fragment d'assiette de la marine française capturée ?)Ainsi se termine la visite de la batterie Kaiseradler et ses alentours. Un site exceptionnel par la présence de bunkers avec de très nombreux marquages, fresques et éléments blindés toujours en place. Un site qui sait récompenser ceux qui cherchent au delà du GR qui le traverse. Elle garde pour moi une grande valeur affective puisque c'est la première batterie que j'ai pu visiter en tant qu'explorateur.

 

29 octobre 2018

Le Mur de L'atlantique (partie 1)

* Pour des raisons de protection les noms des batteries encore existantes ont été changés.

* Passez la souris par dessus les photos pour lire les légendes

Après avoir découvert l'urbex totalement par hasard dans le fabuleux souterrain de la Kriegsmarine j'ai eu envie de poursuivre sur ma lancée. Il y avait sûrement plein d'autres endroits riches en histoire et en sensations fortes à découvrir.

La recherche à donc commencé et je me suis tout d'abord attaqué aux lieux abandonnés les plus faciles à trouver de ma région : Les bunkers du mur de l'Atlantique.

Cette ceinture de défense, plus qu'un seul énorme spot consiste en une multitude de bunkers disséminés le long des côtes et regroupés autour de batteries d'artillerie.

De toute ma carrière d'explorateur, je n'ai jamais cessé de visiter les bunkers du mur de l'Atlantique, immense zone d'exploration du pays Basque à la Norvège. Si la plupart des sites ont été dépouillés de leur matériel, certains, bien cachés ont conservés d'intéressants vestiges. Mais même dans les batteries les plus célèbre on est jamais à l'abri de découvrir un tonneau de poudre, quelques balles de fusil ou même les restes d'une pièce d'artillerie !

Qu'est ce que C'est ?

Le mur de l'Atlantique ou Atlantikwall est une immense ceinture de défense s'étendant sur toute la côte Atlantique de l'Europe. Il est composé d'un total d'environ 10 000 bunkers répartis en 700 batteries d'artillerie s'étendant sur 5000km de long. Il existe également un second mur bien plus petit sur les côtes Méditerranéennes de France : Le Südwall.

Un peu d'histoire :

C'est en décembre 1941 suite à l'attaque de Pearl Harbor par les Japonais que les Américains entrent dans la seconde guerre mondiale. Ils déclarent la guerre au Japon et à son allié l'Allemagne. Ce qui met le führer dans une situation délicate puisque ses meilleurs soldats sont enlisés sur le front Russe. Adolf a le cul entre deux chaises puisque les Américains risquent de l'attaquer par la façade Atlantique et qu'il ne dispose que de forces faibles dans cette zone. La construction du mur de l'Atlantique permettrait de rendre les côtes imprenables : La Wehrmacht fait office d'épée en Russie et le mur de bouclier à l'ouest.

La construction de cette muraille est confiée à Fritz Todt, grand ingénieur du régime nazi. Il est responsable du réseau d'autoroutes allemandes (l'un des premiers) et d'une autre ligne de défense construite a partir de 1938 pour faire face à la ligne Maginot : le Westwäll ou Siegfried Linie.

Le budget n'est pas un problème, l'Organisation Todt lance des appels aux entreprises de constructions pour construire le mur. Des milliers d'entre elles répondront présente à ces appels. Le sable et les graviers sont extraits directement sur les zones à fortifier. D'immenses sites de concassages de galets sont construit. Des batteries de bétonnières tournent jour et nuit pour fabriquer le précieux ciment.

 

Concasseurs de galets de l'Organisation Todt

La main d'oeuvre non plus ne coûte pas cher. Si l'armée Allemande recrutait des travailleurs des pays conquis pour des salaires assez élevés elle utilisait aussi de nombreux prisonniers de guerre. Des juifs, des républicains Espagnols ou des partisans Russes étaient employés pour les tâches les plus pénibles et dangereuses de la construction. Les journées étaient en moyenne de 13 à 14 heures. Ces conditions inhumaines sont responsables de la rapidité à laquelle les bunkers poussaient.

Les villes portuaires sont transformées en forteresses, les Hafenfestung. Ces grands ports sont particulièrement protégés car en cas de prise par les Américains ils constituent des points de ravitaillement stratégiques. Ces ports abritent aussi souvent des unités navales importantes et des bases de sous marins. Elles sont si bien défendue que le 6 Juin 1944 lors du débarquement les Alliés amenèrent d'outre Manche un port Artificiel fait de coffres de bétons reliés par des passerelles. Ce port artificiel évite les pertes immenses dues au siège d'une forteresse.

A la veille du débarquement le mur de l'Atlantique n'est toujours pas terminé. Le 6 juin 1944 quand les alliés débarquent, une grande partie des divisions blindées allemandes et les canons de plusieurs batteries comme celle de la pointe du Hoc ont été déménagées dans le Pas De Calais grâce à des opération de désinformation qui avaient fait croire que le débarquement en Normandie n'était qu'une diversion. Les 6 canons de 155mm ont été remplacés par des troncs d'arbres. De plus des bombardements préventifs ont mis hors combat plusieurs positions allemandes.

Mais certaines batteries sont toujours armées et résistent jusqu'au bout. Alors que les barges approchent les falaises normandes entrent en éruption. Les casemates d'artillerie de marine bombardent les navires Américains avant d'être réduites au silence. A Omaha Beach le soldat Heinrich Severloh tiens sa position, le point d'appui Wn62, pendant des heures, tuant et blessant (selon ses dires) jusqu'à 3800 GI's.

 

Canon de marine Sköda de 15cm, dans sa casemate type M272, utilisé le 6 Juin 1944

 

Mais malgré sa résistance acharnée le mur de l'Atlantique est franchi en quelques heures. Mais les alliés se heurteront à nouveau à l'Atlantikwall lors des sièges des forteresses de St Malo et Brest. St Malo voit les premiers grands bombardements au Napalm et les atroces combats urbains de Brest prennent tant de vie que les alliés renoncent à prendre les autres forteresses et se contentent de les assiéger. Ces poches ne se rendent qu'en avril 1945 (mais les dernières survivent de 2 jours à la capitulation de l'Allemagne)

Aujourd'hui la majeure partie de l'Atlantikwall est à l'abandon en état de dégradation avancé. Mais quelques bunkers sont transformé en musées et permettent de conserver les reliques de la sombre histoire du mur de l'Atlantique.

Les différents types de bunkers

Certes ce titre ressemble à un titre de mauvais podcast mais en effet il y a plusieurs types de bunkers. Dans cet article nous nous intéressons aux ouvrages principaux des points d'appuis du mur de l'Atlantique.

Tout les bunkers (sauf quelques exceptions) sont construits selon des modèles types correspondant à une typologie très précise : le Regelbau.

Chaque type possède un nom composé d'une lettre puis d'un numéro avec une signification bien présise. Par exemple R-515. Les séries 500 et 600 sont les plus répandues. Les 500 sont des ouvrages anciens datants des années 30 et construits sur la ligne Siegfried quand les 600 sont des modèles des années 40 bien plus modernes designés spécialement pour le mur de l'Atlantique.

Quand aux lettres le plus souvent on à un R (Regelbau) mais parfois selon l'utilisateur du bunker la lettre change pour M (Marine) ou H (Heer, armée de terre).

Un bunker H-634 est donc un bunker d'un modèle des années 40 utilisé par l'armée de terre.

Certains bunkers sont de type "SK" ou Sonderkonstruktion (Construction spéciale). Il s'agit d'ouvrages souvent uniques adaptés a des situations ou des terrains particuliers.

Les bunkers de combat

Ici sont regroupés les différents types d'ouvrage dont la fonction première est le combat.

Les casemates d'artillerie de Marine

 

Casemate Type R-671, bunker emblématique de l'Atlantikwall

Il s'agit sûrement des bunkers les plus célèbres du mur. Le représentant le plus fameux est le R-671, véritable gueule de dragon en béton, prête à cracher le feu! Ces casemates sont l'élément principale de toutes les batteries d'artillerie côtières, les MKB (Marine Küsten Batterie). Les batteries en comportent en moyenne de 3 à 5, mais certaines particulièrement bien fournies alignent 8 casemates. Servies par la Kriegsmarine (marine de guerre) elles sont équipées de puissants canons de navires.Ces canons de marine sont très précis et puissants. En moyenne les pièces font entre 10 et 15cm de calibre. Mais on trouve des engins hors normes, certaines batteries alignent des canons de 28, 38 et même 40,6 cm  pour la batterie Lindemann, la plus puissante.

Ces batteries sont faites pour tirer sur des objectifs navals, parfois à très grande distance (Les canons de 28 cm de la batterie de l'Amiral avaient une portée de 29 kilomètres). Les canons de 40,6 cm de la batterie Lindemann située à Sangatte dans le Pas de Calais pouvaient tirer leurs obus de l'autre côté de la manche.

Casemate lourde SK pour canon de 28 centimètres

Les casemates sont équipés de gaines d'évacuation pour empécher l'accumulation des gaz nocifs dans les locaux de stockage de munitions situés à leur arrière. Sur le toit on trouve des crochets d'accroche afin de fixer un filet de camouflage (en effet tout les bunkers étaient camouflés).

Dalle de couverture d'une casemate type 671. On voit les accroches destinées a recevoir le filet

Restes de filets de camouflage. Ils avaient également une fonction pare éclat.

Malgré un bon armement, une dalle en béton solide et un design extrêmement stylé les casemates d'artillerie de marine ont un gros point faible : Leur embrasure de tir ne permet au canon de pivoter que sur 120°; ce qui pose problème en cas d'attaque par l'arrière.

Un problème que n'ont pas ...

Les encuvements

 

Petit encuvement pour canon léger (probablement un 5cm KWK) ayant glissé sur le sable

Principalement utilisés pour les batteries antiaériennes les encuvements sont des emplacements de canon à l'air libre. L'arme est tout à fait capable de pivoter sur 360° et de faire feu dans toutes les directions. La rotation se fait grâce à un affût fixé sur un pivot central. Sur les côtés de la cuve se trouvent de petites niches pour abriter les munitions.

Les encuvements que l'on rencontre sur le mur sont de toutes tailles et abritent des canons de calibres et d'origines très divers.

Certains d'entre eux atteignent une taille colossale !

Ceux de la batterie Gretchen abritent des canons français Schneider de 22 cm datant de la première guerre mondiale. A l'arrière se trouvent des abris et soutes à munitions qui desservent le canon par une voie ferrée Decauville (à écartement réduit).

Restes de la voie desservant les soutes et l'encuvement de 22 cm (visible au fond)

Mais cet encuvement de 22 cm est un schtroumph en comparaison des encuvements géants de la batterie König Der Dünen. Ces ouvrages sont de véritables skate parks : plus de 35 mètres de diamètre ! Les munitions sont stockées dans deux soutes à l'arrière de la cuve.

Encuvement pour canon de 34cm

Le canon est proportionnel à sa cuve, il s'agit d'une énorme pièce d'artillerie sur rail de 34 cm, l'un des plus gros calibres. Normalement ce type de canon équipe des cuirassés. Il mesure plus de 15 mètres de long et pèse 65 tonnes ! (C'est beaucoup !)

Destinés à bombarder des objectifs maritimes ses obus pèsent 430 kg et portent jusqu'à plus de 30 kilomètres.

Canon de 34 cm. Peut être l'un de ceux qui équipait la batterie König Der Dünen

Les canons en encuvement ont l'avantage de pouvoir tirer sur n'importe quel objectif, mais ils n'ont aucune protection en cas de bombardement et ne peuvent compter que sur leur camouflage.

Les casemates de combat rapproché

Petite casemate pour canon couvrant une plage

Contrairement aux casemates d'artillerie de marine destinées à abattre des cibles navales lointaines, ces petites casemate équipés majoritairement de canons légers sont utilisées pour défendre des plages, des forteresses, des vallées, des collines, on les trouves aussi en défense arrière de certaines batteries de marine.

L'armement est plus léger et adapté à des combats rapprochés : principalement des mitrailleuses et des canons légers.

Instructions de tirs pour canon dans une casemate de défense de plage

Les plus répandues sont de petites casemates cubiques R-667 armées de canons antichar ou des casemates Vf adaptées pour recevoir le canon de forteresse Tchèque Sköda 4.7cm. Ce type de fortification est très basique et ne consiste souvent qu'en une simple chambre de tir, mais certains bunkers de défense de plage sont bien plus impressionnants.

R-667 échouée sur une plage

Le même type de casemate dans sa position initiale

Rotule blindée de canon de forteresse

 

Créneau de tir habilement camouflé à flanc de falaise

 

Sur les point d'appui importants (forteresses notamment) les casemates sont équipées de cuirassements qui leur donnes de faux aires d'ouvrages de la ligne Maginot. Des bunkers à plaques blindées masquant des mitrailleuses et des canons sont placés sur des point stratégiques dont ils bloquent les accès. Ce type de blindage est très répandu sur la ligne Siegfried.

Plaque blindée type 727P3. Celle ci abritait un canon de 3.7cm

La même plaque vue depuis la chambre de tir

Plaque blindée type 7p7 pour mitrailleuse

D'autres bunker situés à l'arrière sont équipés de cloches cuirassées équipées de mitrailleuses ou de mortier. La plus terrible de ces cloches est celle qui abrite le mortier type M19, une arme à tir courbe capable de tirer 120 roquettes à la minute. Enterrée elle est pratiquement indestructible, l'une de ces armes fut le cauchemar des Américains lors du siège de la forteresse de Brest.

Cloche type 20P7 pour 2 mitrailleuses MG-34

Puits de la cloche (normalement des plateformes avec echelles permettent l'accès)

Cloche pour mitrailleuse d'origine Tchèque sur une casemate type 648

 

Les bunkers avec cuirassement sont reservés à des emplacements très importants car les plaques et les cloches sont très onéreux. Certains bunkers des points d'appui lourds sont marqué d'un sigle "ST" qui signifie que l'abri à une épaisseur de béton de 2 mètre ou plus et est à l'épreuve des bombes.

Les Batteries lance torpille

Chambre de tir de Torpedo Batterie

Il s'agit d'un type d'ouvrage très rare sur nos côtes et que l'on retrouve surtout en défense des Fjords de Norvège. Utilisés sur des passages étroits, ils sont équipés de lance torpilles quadruples. Les torpilles G7A arrivent par la mer et sont manoeuvrées à l'aide d'un système de Palans.

Tunnel de stockage des torpilles

Les Tobrouks

Tobrouk Vf-58d pour mitrailleuse

Il s'agit de minuscules bunkers individuels très répandus sur le mur. Ils servent de protection rapprochées aux points fortifiés importants, on en retrouve un peu partout et pas seulement sur l'Atlantikwall. Certains types de bunkers sont même construits directement avec un tobrouk intégré.

La plupart de ces tobrouks sont équipés de mitrailleuses, le plus répandu est le modèle Vf-58. Mais certains sont armés de mortiers voir même de lances-flamme. D'autres sont carrément coiffés de tourelles de chars légers, souvent des chars français pris lors du Blitzkrieg comme le FT ou le H35. Des tourelles de panzer II (char léger allemand) existent également.

                                                  Très rare Tobrouk peut être pour mitrailleuse lourde Hotchkiss

En plus de ses fonctions défensives un tobrouk pouvait être utilisé comme poste d'observation ou de transmission (il était équipé pour cela d'un appareil à signaux lumineux).

Les bunkers SK

Il s'agit sans doute des bunkers les plus intéressants puisqu'ils se sont adapté à leur terrain et sont souvent uniques. Voici quelques cas assez sympas.

Tout a l'heure nous avons vu que les casemates d'artillerie de Marine étaient handicapées par l'incapacité de leur canon à pivoter sur 360°. Sur la batterie Langpunkt les allemands ont trouvés la parade à ce défaut et construits une astucieuse casemate SK à double chambre de tir. L'une sur l'avant équipée de son canon de marine et la seconde a l'arrière avec un canon antichar de 7.5cm

Embrasure principale de la casemate dirigée vers la mer...

... et embrasure de tir arrière dirigée vers l'intérieur des terres !

Parfois ce sont des fortifications anciennes qui sont entièrement bunkerisés. Par exemple certaines batteries casematées françaises de la fin 19e siècle sont réutilisées par les allemands qui incrustent des casemates bétonnées sur les anciens emplacements de tir.

Casemates modernes à l'exterieur

Restes de la chambre de tir et de la tranchée du 19e siècle à l'intérieur

 

Pour défendre une pointe avec d'un côté un port et de l'autre une plage propice à un débarquement la Todt équipe les 2 côtés de casemates pour canon de 10.5cm. Les 2 bunkers sont reliés entre eux par une longue galerie souterraine qui traverse la presqu'île. La galerie est taillée dans la roche brute et dispose de 3 accès

Vue générale de la pointe et des 2 casemates (la 2e est à droite du fortin)

Galerie souterraine désservant la casemate sud

                                                              Galerie d'accès à la casemate nord

Dernier exemple spectaculaire : sur une plage de sable encerclée de haute falaise les allemands ont creusés deux réseaux souterrains desservants respectivement 3 et 4 casemates pour mitrailleuse au nord et au sud de la plage. Les galeries sont creusées dans la roche brute et seuls les casemates, les puits et le couloir d'accès sont bétonnés. On creuse aussi les falaises pour créer des casernements et stocker du matériel.

L'une des 4 casemates désservies par le réseau Sud (on notera le camouflage)

Couloir bétonné d'accès aux casemates du réseau Nord

                                                               Tunnel de liaison entre les casemates

Les postes de direction de tir

Poste de direction de tir M162a

 

Aussi appelés Leitstand, ces bunkers aux dimensions souvent spectaculaires sont l'oeil de la batterie d'artillerie. Ils sont souvent sur plusieurs niveaux. Au sommet se trouve un télémètre, un instrument optique servant à mesurer les distances, et un périscope azimutal utilisé pour déterminer la direction de la cible. Les données des 2 engins sont calculées dans une salle de contrôle de tir. Dans les niveaux inférieurs se trouvent une salle de calculs et un ou plusieurs postes d'observation (en fonction du nombre de niveaux) ou sont postés des guetteurs equipés de jumelles. Ces postes inférieurs sont nommées Peilstand. Des panoramas de tir indiquant des degrès d'angles et des points de repères sont peints sous forme de fresques au dessus de la fente d'observation du Peilstand. Les informations sont transmises aux casemates de marine et leur permettent d'ajuster leur tirs. A Omaha Beach l'efficacité des canons de la batterie de Longues fut très réduite suite a la destruction des câbles de transmission qui reliaient le Leitstand aux casemates.

La plupart des postes de direction de tir sont des bunkers sur 2 ou 3 niveaux semi enterrés sur des avancées rocheuses ou des falaises. Mais ce n'est pas une généralité. Sur certaines batteries peu importantes il ne s'agit que de petits dômes discrets ou de postes de télémétrie anciens équipés de télémètres obsolètes.

Poste de télémétrie d'une batterie peu importante

Poste de direction de tir français réutilisé par les Allemands

A l'inverse certains Leitstand sont extrêmement spectaculaires : Postes de direction de tir à trois étages ou mêmes tours d'observations collossales de plus de 15 mètres.

Tour d'observation de 15 mètres de haut

 

Poste de direction de tir à 3 étages S414

 

Les bunkers utilitaires

Pour faire fonctionner une batterie d'artillerie les casemates et le poste de direction de tir ne suffisent pas, tout une foule de bunkers sont crées en plus. Leurs fonctions sont multiple : Abris, logement des artilleur, stockages etc...

Les abris à personnel

Abri Vf2a semi enterré

Les artilleurs d'une batterie logeaient souvent sur place dans de petits bunkers à une ou deux pièces. Ils servaient également pendant les bombardements. Souvent ils sont accessibles par un réseau de tranchés et sont semi enterrés pour des raisons de camouflage.

Parmis les plus répandus de ces abris on peut citer les R-501 (une pièce), R-502 (2 pièces) ou les R-622. Certains de ces bunkers étaient parfois utilisés pour des fonctions bien précise, par exemple de cantine.

Certains bunkers de combat nottament les ouvrages cuirassés (515 ou 505 par exemple) servent aussi de logement à leurs artilleurs.

Les 2 pièces principales d'un abri R-502Ils sont équipés de lits repliables contre les murs, les bannettes. Pour se chauffer et cuire leurs nourritures les soldats peuvent se réunir autour du poêle de forteresse type WT-80 (Le matériel destiné aux bunker est standardisé). La communication avec les autres blockhaus se fait via un réseau téléphonique souterrain.

Un bunker dispose toujours d'au moins 2 issues et très souvent d'une issue de secours sous forme de puits avec échelle.

Les abris sont personnalisés par leurs occupants et on retrouve souvent des fresques peintes sur les mur. Il peut s'agir de dessins de paysages, d'instructions ou de slogans patriotiques, mais nous les étudierons plus en détail dans une partie consacrée ainsi que le matériel des bunkers.

Fresque patriotique dans un abri "Le Fuhrer ordonne, nous obéissons"

Les hopitaux et infirmeries

Bunker hopital R-118 encore marqué de ses croix rouges

Plutot rares on en retrouve sur certaines batteries importantes, mais ils sont principalement en arrière. La plupart sont de petits abris infirmeries comme le Ra-128 mais d'autres sont de véritables petits hôpitaux plutôt spacieux avec salle d'opération comme les bunkers R-118 ou R-639. Ils sont marqués de grandes croix rouge, ce qui dans le cadre des règles de la guerre (oui, oui la guerre à des règles) est censé les protéger des raids aériens et des assauts à condition que le personnel soignant ne soit pas armé.

Salle des machines d'un hopital R-639

Les bunkers de stockage :

                                 Tunnel de stockage de munitions (on note le rail pour la porte coulissante)

Sur une batterie de marine, ces bunkers sont pour la plupart des soutes à munitions. Les casemates de combat sont parfois équipées de locaux annexes ou sont rangées des obus, mais en plus de ces stocks des réserves plus importantes de munitions se trouvent en arrière des positions. Parfois dans des tunnels spécialement crées conçus à l'arrière des casemates parfois dans des petits bunkers plus rudimentaires comme les Wellblechs ou abris en tôles métro. Il s'agit de petits abris servant également à loger du personnel.

Abri Wellblech, en bas à droite 2 douilles de canon de 105mm sont visibles

Le stockage ne s'arrête pas aux munitions et on retrouve des bunkers qui servent de garage pour canons.

Autres bunkers divers

 

Trappe d'accès à une citerne

 

Il existe aussi divers petits bunkers reservés à des usages assez précis en plus de tout ceux que l'on vient d'énumérer.

Par exemple des bunkers utiles pour la vie dans la batterie : des citernes blindées pour l'eau potable (Wasserbunker) parfois creusées directement sous certains bunkers, des usines électriques, des abris pour les connexions des câbles de transmission (Kabelbrunnen bunker)

Panneau électrique dans un abri dedié

On trouve aussi des casemates équipées de projecteurs (Scheinwerfer) pour balayer la mer en cas d'attaque de nuit, mais c'est un modèle assez rare, les projecteurs étant le plus souvent à l'air libre.

Casemate à projecteur type M182, modèle extrêmement rare

Il existe aussi de spectaculaires bunkers destinés à abriter les antennes radars type Mammut ainsi que des socles bétonnés de radars.

 

Les obstacles de plage

Alignement de tétraèdres en béton (et un nudiste)

Le 31 décembre 1943 à la suite d'une inspection du mur de l'Atlantique, le Maréchal Erwin Rommel se rend compte que l'accès aux plage est encore trop facile. Il fait renforce la défense à l'aide de champs de mines et d'obstacles antichar (entre autres) situés aux différents étages de la zone de balancement des marées.

Ces obstacles sont de différents types. Tout en bas de l'estran se trouvent les "portes Belges", des barrières coifées de mines, ensuite se trouvent des pieux en bois eux aussi minés et censés éventrer les barges de débarquement, les Asperges de Rommel. Puis arrivent les célèbres "Hérissons Tchèques", structures antichar en métal ou en béton (plus rares) pointant dans tout les sens. Au dessus se trouvent les tétraèdres, des obstacles en béton en forme de pyramide avec une mine à leur sommet, eux aussi réservés aux tanks. Enfin à leur sommet certaines plages sont dotées d'un puissant mur antichar infranchissable.

Tétraèdres entièrement dégagés

Mur antichar renversé par les marées

Le Materiel des bunkers

Armement

Canon de Forteresse 4.7cm (aujourdhui disparu)

Les armes utilisées sur le mur de l'Atlantique sont extrêmement variés. Parmi les armes légères, si les fusils mitrailleurs MG-34 et 42 modernes sont répandues dans les tobrouks et les ouvrages cuirassées on retrouve aussi des MG-08 de la première guerre mondiale et des armes de capture comme la mitrailleuse française Hotchkiss 1914.

 

Support de mitrailleuse MG-34 sur une plaque 7P7

 

Pour les armes lourdes c'est pareil, leurs origines sont très diverses, on retrouve beaucoup d'armes de prises capturées sur des champs de bataille de toute l'Europe ainsi que des canons épargnés par les sabotages directement trouvés sur les anciennes batteries. On retrouve ainsi des canons russes, français, tchèques, tout le long de l'Atlantikwall.Certains sont complètement obsolètes, il y a de nombreuses artilleries de la première guerre mondiale voir du 19e siècle ! Les batteries de marine importantes sont dotés de meilleurs canons, parfois crées spécialement pour elles comme les 40.6cm de la batterie Lindemann, mais cela reste exceptionnel. Mais les armes de prises ne sont pas toutes mauvaises : Le canon de forteresse Tchèque Sköda de 1938 à un tel succès qu'un type de casemate spécialement adaptée est crée. C'est une excellente arme au tir rapide et à laquelle on peut coupler une mitrailleuse. On peut aussi citer les canons de 34cm de la batterie König der Dunen évoqué précédemment.

Canon de côte de 9.5cm modèle 1875/1888, un canon périmé au rôle secondaire

Canon français Schneider de 164mm saboté à la rédition de sa batterie

Equipement des blockhaus

 

Equipement d'un abri 502

Contrairement à l'armement, la machinerie qui permet le bon déroulement de la vie dans un bunker est standardisée, on retrouve les mêmes équipements sur tout le mur.

On l'a vu les soldats disposent pour dormir de couchettes rabattables contre les murs, comme dans un navire et d'un poêle WT-80 pour se chauffer et cuire leur nourriture.

 

Les banettes étaient superposées par 3

Poêle de forteresse Hass&Sohn WT80

 

Pour communiquer avec les autres ouvrages chaque bunker est relié à un réseau téléphonique souterrain via des relais.

Relai téléphonique quasi intact

N'oublions pas que nous sommes en temps de guerre ! Le blockhaus est protégé contre les attaques physiques et chimiques.

Les entrées sont fermées par des portes blindées divisées en 2 parties. Grâce à cette configuration si le bas de la porte est bloqué par des débris il est toujours possible de sortir par la moitié haute. Il y a généralement 2 entrées principales plus une sortie de secour, les chances d'être enterré vivant sont donc faibles. Il y a 2 modèles particulièrement répandus : la porte 434P0 répartie sur la plupart des bunker et une autre version plus rare utilisée par la marine : la porte 882P7. Ce type de porte pèse environ 640 kg.

Porte 434P01Porte blindée de marine 882P7

Après ces portes blindées on trouve souvent un petit sas suivi d'un second type de porte, la porte étanche 19P7 qui empêche l'arrivée d'air exterieur ou de gaz toxiques. Ces portes se trouvent dans toutes les pièces de l'intérieur du bunker.

Portes étanches 19P7

Il existe de nombreux autres types de portes comme la porte 447P01 utilisée pour faire entrer un canon antichar léger à l'intérieur d'une casemate de combat ainsi que des portes coulissantes, mais je me contente de détailler ici les plus répandues.

En plus de leurs portes, les entrées sont protégées par des créneaux de tir et des caponnières.

Caponière de défense d'une casemate R-505

Volet blindé coulissant protégeant une entrée

"couvercle" rabattable obstruant un créneau de tir

Contre les attaques au gaz un bunker possède un système de ventilation et de filtration très efficace combiné aux portes 19P7.

Une fois les portes étanches fermées, le bunker est mis en surpression grâce à une pompe et des clapets de surpression qui ne laissent pas l'air extérieur entrer et ne s'ouvrent que pour laisser passer l'air intérieur au delà d'un certain seuil de pression (empêchant ainsi le souffle d'une explosion d'entrer par exemple)

Clapet de surpression type AML01 construit par Dräger

Détail du marquage d'un clapet de surpression

L'approvisionement en air est permis par un système de ventilation. L'air arrivant passe d'abord par un préfiltre qui stoppe les gros débris et la poussière (dues à une explosion par exemple) puis par deux cartouches filtrantes qui neutralisent les gaz de combat. Une fois assaini, l'air est distribué dans le blockhaus par un ventilateur électrique ou manuel. Hors des combats, les cartouches filtrantes sont remplacées par un tuyau en bakélite.

 

Préfiltre destiné à absorber les débris d'explosions

 

Cartouches filtrantes telles qu'elles étaient montées sur le ventilateur, la plus grosse contient du charbon actif

Base de ventilateur sur son support

Ventilateur H.E.S 2.4 encore équipé de sa manivelle à bras (fonctionelle)

Instruction du ventilateur pour passer du mode manuel au mode motorisé

Les inscriptions : l'âme des bunkers

Lors de certaines explorations sur le mur de l'Atlantique il arrive de tomber nez à nez avec d'anciennes inscriptions gravées par l'occupant Allemand. Ce sont des vestiges émouvants qui nous en apprennent plus sur la fonction de certaines pièce, les instructions de sécurité des bunkers ou l'état d'esprit de leurs occupants.

Il éxiste plusieurs type de marquages. Commençons par les plus communs :

les marquages d'indications

Nous avons déjà vu le marquage ST qui signifie qu'un point d'appui est à l'épreuve des bombardements.

Marquage ST au dessus d'une caponière de défense

Chaque point d'appui possède un indicatifs présenté sous la forme d'une lettre suivi d'un nombre à 2 ou 3 chiffres. La lettre correspond a la région du bunker (DIE pour Dieppe, LO pour Lorient etc..) et les chiffres sont attribués à la position. Un cartouche avec cet indicatif était attribué à chaque bunker.

Immatriculation d'un bunker

D'autres de ces marquages sont des instructions sur la conduite à tenir dans le bunker ou sur les munitions, des instructions de tir, des avertissements...

Certaines instructions de tir sont peintes avec de la peinture phosphorescente pour être effectives même lors des attaques de nuit.

Indication concernant les différents types de munitions dans une soute

"Interdit de fumer" Fresque située dans une soute à munition

"remettre le bouchon et fermer le robinet, sous peine de danger de mort" Instruction pour poêle

Instructions de tir pour canon de forteresse 4.7cm et mitrailleuse

Autres instructions pour canon de forteresse

 

Les devises patriotiques

Pour améliorer le moral des troupe et entretenir leurs foi dans le régime nazi, les supérieurs autorisaient et encouragaient même leurs hommes à peindre des fresques et des slogans patriotiques sur les murs des bunkers.

On trouve des messages à la gloire du Reich, de nombreux aigles impériaux, des citations d'Adolf Hitler, des caricatures des ennemis de l'Allemagne (Winston Churchill notamment), mais aussi des slogans patriotiques prônant des valeurs de courage au combat et de fidélité à la nation allemande.

Certaines citations se retrouvent sur plusieurs bunkers différents comme par exemple "Treue ist das Mark der ehre" (la fidélité est l'essence de l'honneur) que j'ai retrouvé dans 3 ouvrages.

Slogan patriotique au dessus d'une trémie pour canon de forteresse Sköda 4,7cm

Le même slogan dans un fort français requisitionné par les allemands

"Nous combattrons pour l'avenir de la grande Allemagne"

Slogan à moitié effacé, on distingue les restes d'un aigle

L'Allemagne doit vivre même si nous devons mourir

Restes effacés d'un grand aigle impérial

Décorations et trompes-l'oeil

En dehors de ces inscriptions guerrière, il arrive aussi que l'on trouve sur le mur de l'Atlantique, des dessins purement esthétiques peints par les soldats pour égayer leur quotidien sous le béton.

Parfois ils ont imités des tapisseries en reproduisant des motifs dans tout une salle, on retrouve ainsi beaucoup de motifs de fleurs, notamment des tulipes peintes par des hommes d'origine hollandaise. Des lignes colorés sont aussi souvent présentes sur le haut des pièces.

Motif de tulipes, sur la droite on voit les supports des banettes (lits muraux)

Dans les bunkers les fleurs cotoient les obus

Motifs abstraits dans une infirmerie Ra-128

Les plantes sont très representées sur les tapisserie

Ce bunker type 634 est entièrement tapissé de motifs abstraits

D'autres fois au lieu de tapisseries ce sont des dessins uniques que l'on rencontre : natures mortes, caricatures de la vie dans le bunker, pin-up, paysages, trompes-l'oeil, tout y passe !

Parfois c'est à la construction même du bunker que les ouvriers de l'organisation Todt on gravés des scènes dans le ciment frais !

Ouvriers de l'organisation Todt gravés dans le ciment frais

Nature morte

Fenêtre peinte en trompe l'oeil

Paysage (d'Allemagne surement)

Autre paysage (peut être de Hollande)

Petit personnage peint sur un cadre de porte

Tout ces dessins sont le témoignage d'une routine de vie ennuyeuse et encadrée par une sévère discipline. La vie dans les bunkers n'est pas joyeuse. Chaque jour est rythmé par les corvées. Quand certains passent la journée à scruter le large, d'autres sont chargés de l'entretien des canons (un entretien journalier à cause de l'air marin qui oxyde le métal).

Voilà donc pour ce premier article consacré à l'histoire et au fonctionnement du mur de l'Atlantique. L'article est long, mais il est difficile de résumer un spot de 5000 km en peu de ligne. La deuxième partie parlera de l'exploration à proprement parler des bunkers du mur.

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16 octobre 2018

Le Souterrain de la Kriegsmarine

Le sous sol de nos villes renferme des trésors insoupçonnés. Je l’ai découvert totalement par hasard le 4 Janvier 2016.

Je suis tombé dans l’urbex lors d’une balade de nuit, au détour d’un fourré au bord de la route. Derrière les ronces, une porte creusée dans la falaise menait à un immense réseau souterrain aujourd’hui inaccessible.

Un complexe immense, des centaines de mètres de galeries, si proche de nous et pourtant invisible

 

A l’époque, n’ayant aucune idée sur la nature de l’endroit, j’élaborais des hypothèses à partir des quelques indices présents sur place. La présence de meurtrières, d’obus et l’aspect général plutôt ancien me permit de deviner que cet endroit avait été construit par les allemands pendant l’occupation.

Puis après l’exploration grâce à des recherches j’ai pu découvrir de quoi il s’agissait...

Bienvenue dans le souterrain de la Kriegsmarine !

 

Le spot en bref :

Type d'urbex : Militaire/Souterrain

Période : Seconde Guerre Mondiale (construction entre 1943 et 1944)

Constructeur : Organisation Todt (Allemagne nazie)

Utilisateur : Kriegsmarine

Utilité : Stockage, soin, abri

 

Histoire :

 

Cet endroit immense à été creusé en partie dans les années 30 et agrandi considérablement pendant l’occupation par la Kriegsmarine , la marine de guerre Allemande, avec pour mission d’abriter les effectifs de la Hafenkompanie (compagnie de défense  portuaire).

Les dimensions sont colossales, c’est un véritable labyrinthe de pas loin d’un kilomètre de galeries taillées aussi bien dans le béton que dans la roche brute.

Plan Schématique de l'ouvrage (réalisé de mémoire)

La vie de ce complexe s’articule autour d’une source d’eau potable qui court dans ses entrailles de Gneiss. Grâce à elle le souterrain est doté d’eau courante. C’est autour de cette source que le premier complexe est construit. Les Allemands l’agrandiront de façon titanesque.

 

La source principale dans sa canalisation d'origine Allemande

 

Seconde source moins importante

Les travaux sont effectués par de la main d’œuvre de l’organisation Todt dans des conditions parfois inhumaines. Ces travailleurs du béton sont des prisonniers de guerres, dans cette région ce sont principalement des Républicains Espagnols.

Une partie des tunnels est complètement bétonnée, mais à certains endroits on observe des murs en maçonnerie (vestiges du premier complexe français ?) ou encore des tunnels creusés à même la roche.

Pour interdire l’accès au complexe les Allemands installent 3 corps de garde, armés probablement de mitrailleuses  MG-08, aux entrées du souterrain (il n’en subsiste que 2 aujourd’hui).

 

Alternance de galerie bétonnées et de murs en maçonnerie avec voute en pierre brute

 

Corps de garde de l'entrée Est avec son créneau pour MG-08

 



En 1944 alors que la ville est assiégée par l’armée Américaine, le complexe sert de dispensaire, une sorte de gigantesque hôpital militaire où des centaines de soldats Allemands seront accueillis.

Le souterrain à une capacité d’accueil de 500 lits, mais c’est bien plus d’Allemands qui se retrouvent entassés dans ces galeries inhospitalières.

Les conditions de vie dans ce souterrain à l’humidité omniprésente sont très difficiles pour les blessés entassés à l’intérieur, de nombreux soldats y décèdent.

L’hôpital est placé dans ce souterrain car facile à défendre grâce aux mitrailleuses qui bloquent l’entrée et à l’abri des bombardements, pour les conditions sanitaires on repassera.  

Les lits étaient fixés aux murs. Sur cette image on voit la trace laissée par les supports des 2 côtés.

Quand les troupes Américaines parviennent à prendre le souterrain en 1944, les Allemands ont entamés des travaux d’extension. Au nord le tunnel numéro 4 est en cours de creusement et à l’Est un petit boyau à peine commencé était censé rejoindre un second souterrain situé à plus d’un kilomètre.

Galerie inachevée

Le complexe devient une prison Américaine pour quelques temps avant d’être laissé à l’abandon.

 

Après guerre les usages des tunnels sont multiples. Ils commencent par servir d’entrepôt pour le matériel de la ville, mais l’humidité des tunnels fait rouiller le matériel.

 

Puis c’est un club nautique qui y stocke son matériel avant de déménager et de laisser à nouveau le complexe à l’abandon.

Cette humidité qui détruit le matériel civil ne fait le bonheur que des champignons cavernicoles qui se multiplient à l’intérieur du dispensaire déchu.

 

Reste de matériel du club nautique. La bache au plafond est censé le preserver de l'humidité

 

Dans les années 1980 un couple qui a bien compris cela installe une champignonnière dans les tunnels et le débarrasse des vestiges de lit et autres reliques de la guerre, notamment de restes de soldats décédés, témoignage des atroces conditions de vie dans le souterrain.

Une fois la champignonnière installée les propriétaires recevront d’ailleurs la visite d’un vétéran allemand hospitalisé dans le souterrain pendant la guerre, ému aux larmes.

La champignonnière obtient de bons rendements mais fait finalement faillite notament pour cause de concurrence.

Sacs de cultures de champignons. A présent ce sont des champignons cavernicole qui poussent iciL’utilisateur final du souterrain est un club de tir qui utilise les tunnels 1 (plomb), 1bis (poudre noire) , 2 et 3 (armes à feu classiques).

 

Explorons !

 

Les traces de la guerre

 

La plupart des vestiges de 39/45, notamment les lits ont été retirés pendant l’aménagement de la champignonnière et du club de tir.

Cependant il reste quelques installations d’époque. Une partie de la ligne électrique est toujours en place, on trouve des câbles électriques et quelques ampoules toujours suspendues au plafond.

Câbles éléctriques Allemands avec isolateurs en porcelaine

On retrouve aussi d’autres traces déjà évoquées comme la source ainsi que les créneaux de tir des mitrailleuses MG-08

Au détour d’un tunnel il est également possible d’admirer 4 obus probablement placés en décoration après guerre. Certains ont peut être été découverts dans le souterrain.

Enfin pour l’œil attentif qui saura les trouver, quelques bouts de céramique Allemande sont éparpillés un peu partout dans le tunnel 4. Il y à également de nombreux restes ferreux, peut être des éléments de lits dans les  dépôts des tunnels 2 et 3.

Obus de différents calibres

C'est pas la taille qui compte !

Vestiges ferreux dans un dépot

Céramique Allemande dans une galerie non achevée

L'ambiance de ces galeries bétonnées est particulièrement impresionante



Les vestiges post-guerre

 

Parmi les traces d’occupation d’après guerre, les plus visibles sont celles du club de tir. Les douilles parsèment encore le sol à certains endroits, les murs sont criblés de balles et plusieurs trophées rouillés témoignent des exploits passés des tireurs. Des casiers destinés à accueillir des carabines attendent toujours dans le noir.

Au fond des tunnels des pneus sont placés pour éviter les rebonds de balles.

Douilles de revolver

 

Pas de tir Cible

Trophée

Cibles bustes près de la source

Casiers à fusils

Un headshot pour madame Bovary

Douilles de fusil en 7.62 et 22 long rifle

 

De la champignonnière il reste quelques sacs de culture rassemblés dans une grande cavité inachevée, quand au club nautique ce sont quelques flotteurs qui témoignent.

 

Ces tunnels immenses semblent morts et pourtant la vie est parvenue à s’y développer grâce à l’humidité qui y règne.

Plusieurs espèces de champignons dont la célèbre mérule s’affairent à dévorer les structures de bois.

Sur les chapeaux et les mycéliums plusieurs collemboles s’affairent. Il s’agit d’insectes primitifs sans ailes.

Collemboles à la surface d'un champignon xylophage

La fameuse mérule !




Cette exploration fut ma première (on peut parler de chance du débutant dans ce genre de cas).

Parcourir ce souterrain à la lueur des torches avec le fracas des gouttes sur les bâches en plastique comme seul bruit de fond est une experience inoubliable. Les galeries en béton sont martiales, écrasantes, l'ambiance y est lourde.

Une fois que j'ai connu son histoire mes visites ont pris un ton plus dramatique.

Tout en parcourant cet abîme je tente d'imaginer ce qu'on put être les conditions de vie à l'intérieur. En parcourant les tunnels j'imagine les blessés qui agonisent dans des lits suspendus tout le long des murs. Je visualise les piles de matériel militaire stockées dans les dépôts, les medecins débordés. J'essaie de retranscrire le rugissement des mitrailleuses qui tentent de retarder la défaite inéluctable sur les 3 corps de garde, atrocement amplifié par l'écho de la caverne.

Retour au présent. Le silence est revenu, le seul bruit qui n'a pas cessé c'est celui de la source qui s'écoule toujours par les pores de la roche.Si les murs pouvaient parler ils pourraient nous raconter bien des histoires sur ce souterrain aux multiples usages, du dispensaire à la champignonnière. 

La visite se termine ici. Nous laissons le corps de garde ouest derrière nous et retrouvons l'air libre en imaginant quels autres lieux fantastiques se cachent dans les rues que nous fréquentons chaque jour. Ainsi naquit ma passion de l'exploration urbaine.

 

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