Les entrepots perdus de la colline
Si les villes sont le lieu privilégié de l'urbex il existe aussi, cachés au fond des forêts, des endroits tout a fait extraordinaires ! C'est le 15 janvier 2016 que mon premier collègue d'exploration, alors étudiant avec moi me fait découvrir cet endroit sans prétention mais sympatique, nous en sommes encore à nos tout débuts dans le monde de l'urbex. Nous sommes empêtrés dans la forêt depuis un moment quand nous arrivons devant une série de petits batiments en pierre alignés dans une tranchée. Dans ces batiments se trouvent du matériel divers. Après les avoir explorés nous en déduisons qu'il s'agit de vieux entrepôts militaires du 19e siècles. Et c'était bien vu...
Le spot en bref :
Type d'urbex : Militaire/rurex
Période : 1877/1878, 3e République
Constructeur : Ministère de la guerre sous ordre du général Seré de Rivière
Utilisateur : Armée française
Utilité : Défense de côte
Histoire :
Mon camarade et moi avions vu juste, ces constructions datent du 19e siècle. Il s'agit d'une batterie d'artillerie française construite entre 1877 et 1878. Mais les emplacement de canons ayant disparus il est dificile de s'en rendre compte sans bien connaitre la période. La batterie fait partie du système Seré de Rivière, un réseau de fortification mis en place après la défaite de 1870. Il consiste en un ensemble de forts indépendants les uns des autres capables de se défendre mutuellement en cas d'attaque. Ici il ne s'agit que d'une batterie d'artillerie de côte mais elle s'inscrit dans ce système. Le but du système Seré de rivière est de ralentir une attaque surprise afin que l'armée ait le temps de s'organiser. A titre d'exemple, les forts de Verdun font partie de ce système.
Notre batterie est équipée de 2 canons lourds de 320mm et 4 de 240mm sur des plateformes placées entre 6 abris traverse destinés à protéger le materiel et les munitions, ce sont les batiments que nous prenions pour des entrepôts. Si les abris traverses sont encore bien visibles, les plateformes d'artillerie ont complètement disparues sous la végétation. Tout le site est desservi par une tranchée de 4 a 5 mètres de profondeur.
Au nord de la position se trouve un magasin à poudre modèle 1879 qui était surement relié aux plateformes par des rails à l'époque.
Le site n'a participé à aucune des deux guerres mondiale. Après la deuxième il sert d'entrepôt à la base militaire la plus proche qui y stock du matériel très divers (radiateurs, barbelés, amiante) puis il est abandonné à une date inconnue (peut être dans les années 1990). Les batiments centenaires et une partie du matériel laissé sur place par les militaires pourrit toujours tranquillement dans cette jolie forêt côtière au son des chants d'oiseaux. C'est une exploration sans prétention, mais l'urbex c'est aussi ça, de petits lieux qui ont eux aussi leurs histoires et leurs trésors.
Explorons !
Les abris-traverses:
Il s'agit de la partie la plus visible du site, ils sont au nombre de 6 et contiennent encore le matériel que l'armée y a laissé après son départ. La visite est assez agréables pour peu qu'on aime la nature et se fait en suivant la tranchée parmi les hautes herbes et les fougères. Certains sont encore équipés de leurs lourdes portes en bois massif et l'un d'entre eux à été équipé d'une porte coulissante. Certains contiennent encore du matériel, ainsi dans l'un d'entre eux on trouve un stock de vieux radiateurs, dans un autre des compresseurs, mais la palme de la cargaison la plus imposante est décernée à celui qui contient un stock énorme de rouleaux de barbelés et de piquets destinés à attacher ces mêmes barbelés.
En poursuivant notre chemin jusqu'au bout de la tranchée on tombe sur les ruines de la maison du gardien, c'est une simple bâtisse sur un niveau dont il ne reste que les murs.
Le Magasin à poudre :
L'élément suivant de la visite est le magasin à poudre. Son entrée est plutôt bien cachée, la tranchée qui le relie à la batterie est bouchée par les ronces, si bien que je ne l'ai découvert qu'en Mars 2018, 2 ans après ma première visite. La première fois nous avions simplement vu les cheminées d'aération en imaginant qu'il s'agissait d'un bunker ou d'un souterrain militaire, mais sans jamais le trouver. Ce jours de Mars 2018 j'y retournais avec l'intention de découvrir ce qu'il y avait sous ces cheminées. Après avoir réussi à accéder à l'autre côté de la tranché j'arrivais enfin devant la magnifique entrée du magasin aux poudres.
C'est donc tout émoustillé que j'entre dans cette construction qui m'intrigue depuis 2 ans. Je n'y prête pas attention tout de de suite, mais dès l'entrée tout un stock de caisses en bois est empilé dans le couloir. Sur ma droite un couloir puis l'entrée d'une pièce, droit devant, un autre couloir. Je choisis de commencer par visiter la première pièce. Il s'agit de la soute ou étaient entreposés les obus de la batterie. Elle est aérée par 2 prises d'aire qui mènent aux cheminées que j'avais aperçues de dessus et éclairée par un créneau de lampe à pétrole.
Au milieu de la pièce trône également une vieille pile de caisse, cette fois je les remarque, le bois est complètement pourri. Elles ressemblent véritablement à des caisses de munitions. Sur le couvercle on peut encore lire une inscription "sondage de 0.00 A2", je soulève le dit-couvercle et en guise d'obus je tombe sur 3 cylindres de béton, des carottes de sondage. Toutes les autres caisses en contiennent, j'ignore pourquoi il y en à tant concentrées à cet endroit. Peut être du matériel utilisé par le génie pour ses chantiers ?
En sortant de la pièce je part à la découverte du couloir qui part droit devant. En réalité il ne fait que faire le tour de magasin et permet d'accéder à l'égout de la construction. Lui aussi est aéré par une cheminée. Quelques chauves-souris sont suspendues au plafond blanchi à la chaux.
Sur le sol se trouve la plaque qui mène à l'égoût. Ce dernier est bas de plafond et plusieurs vieilles bouteilles de Perrier y sont éparpillées. Il s'étend sur toute la surface du bâtiment et on peut y voire 3 voûtes qui soutiennent l'ouvrage. Au fond se trouve un petit boyau d'évacuation d'environ 10 mètres à moitié rempli d'eau ou je suis presque contraint à ramper, mais qui malheureusement s'est effondré au fond.
Après la visite de l'égoût il ne reste plus qu'à suivre le couloir qui nous mène à la sortie. Le décor minéral fait place à la forêt, les oiseaux chantent à nouveau et les chauds rayons de l'après midi caressent la pièrre du vieux bâtiment. Le temps de sortir de la tranchée et de rejoindre le sentier principal, plus aucune traçe de la batterie n'est visible. C'est la fin de la visite de cet endroit tout simple et pourtant riche de témoignages du passé. Il nous apprend que l'exploration peut être partout, au fond du moindre fossé suspect.