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Les explorateurs des mondes perdus
Les explorateurs des mondes perdus
  • Nous sommes une bande d'amis passionnés par l'exploration des lieux abandonnés, leur histoire et leur ambiance. Le but de ce blog est de vous permettre de découvrir une partie de ces endroits fascinant. Bienvenue dans les mondes perdus !
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7 juin 2019

Le chemin de fer souterrain

Le 29 mars 2016 l'un de mes collègues conaissant mon intérêt de l'urbex m'appelle en me signalant qu'il vient de passer devant une cavité souterraine dont la grille venait d'être ecartée, l'endroit étant rempli d'eau il n'a pas pu y pénétrer. A côté se trouve l'entrée condamnée d'un immense tunnel, il ne sait pas si les 2 sont reliés. Il me propose de partir visiter la grotte avec lui.

Le lendemain nous voilà sur place chaussés de bottes et impatients de visiter ce souterrain. C'est que je débute dans l'exploration et que je n'avais pas retrouvé de souterrains (mon type d'urbex préféré) dignes de ce nom depuis celui de la Kriegsmarine. Nous franchissons donc la grille pour une petite promenade souterraine dans un spot qui demeurera sentimentalement important pour moi. Mais avant de l'explorer découvrons l'histoire de cet endroit.

 

Le spot en bref :

Type d'urbex : Souterrain/militaire

Période : construit en 1930, utilisé jusque dans les années 70/80

Constructeur : Génie de l'armée Française

Utilisateur : Marine Nationale
Utilité : Transport d'hommes et de matériel/abri

 

 

 

Histoire :

 

 

C'est au début des années 1930 qu'une voie ferrée est installée dans une grande base militaire française pour faciliter le transport des hommes et du matériel dans son enceinte. La base étant dans une vallée, 9 tunnels sont creusés à travers le flanc des montagnes.

 

Entrée de tunnel à flanc de montagne

 

Equipés de portes d'acier très épaisses ils peuvent également sevir d'abris en cas de raid aérien. Ce qui est le cas lors de la seconde guerre mondiale ou les Allemands les utilisent à ces fins et ouvrent le plus grand du réseau aux civils.

Une porte blindée ferme chaque côté du tunnel

Après guerre la voie de chemin de fer souterraine retrouve son utilité originelle et sert de "métro" au sein de la base. Les convois sont menés par une lourde locomotive BB Fauvet-Girel qui dessert l'entiereté de la base. L'activité des trains cesse progressivement dans les années 80/90 pour s'arrêter complètement.

Dans les années 2000 la base cède une partie de son terrain à la commune contenant ce tunnel ferroviaire. Il mesure dans les 400 mètres, possède 2 sas à l'entrée et à la sortie creusés dans la roche même ou circulait dans le premier une petite voie à écartement de 60 centimètres nommée également Decauville. Peut être à t'elle servie pendant le creusement ou servait elle à transporter les marchandises après déchargement du train principal.

Voie Decauville secondaire

Enfin une petite casemate Allemande type R-127 et plusieurs tobrouks (nids de mitrailleuse) le défendent (ainsi que l'ancienne porte de la base)

Bunker type 127

Explorons :

Sas secondaires : des salles taillées dans la roche brute

Le tunnel principal étant fermé c'est par l'un des sas piéton que nous passons pour le rejoindre. Les sas ont été rebouchés par des tas de remblai, fort heureusement de courageux explorateurs nous ont machés le travail en creusant des chatières , il y en à deux à franchir qui divisent le sas en 3 pièces. Il y à 15 à 20 centimètres d'eau.

Sas d'entrée secondaire taillé à même le roc

Au bout de la première salle la voie de 60 commence et continue derrière un énorme tas de remblais à l'équilibre instable. C'est une immense cavitée dans laquelle on se retrouve. L'ambiance du tunnel est étrange, tout est incroyablement silencieux alors que nous progressons le long des parois de roche jaunie par endroit à cause du fer. Le silence n'est troublé que par des chutes de gouttes. On se croirait presque dans une grotte naturelle si des trous disposés à accueillir une charge de TNT ne parsemaient pas les roches.

La deuxième salle est inondée aussi et ne consiste qu'en une pièce traversée par la voie Decauville

2e salle

Voie à écartement de 60 dans l'eau cristaline

Nous franchissons la deuxième chatière et arrivons dans une salle encombrée de multiples débris en bois et en acier. On reconnaît des cadres de lit, du bois de caisse et de la porcelaine, peut être de l'époque ou le tunnel servait d'abri. C'est un assez gros fouillis qui trempe dans une boue épaisse.

Au fond de la pièce se trouve une porte, ou va t'on déboucher ?

Accès à la galerie principale

Le chemin de fer

Nous franchissons l'encadrement de porte et nous voici dans dans le tunnel principal.C'est impressionnant, la voûte devient subitement très haute (5 mètres) et le vent souffle à travers la galerie parcourue par la voie ferrée. Nous avons vraiment l'impression de nous retrouver dans une base secrète de film.

L'exploratrice donne une idée de la hauteur de voute de la galerie principale

Comme nous sommes près de l'entrée nous allons la voir en premier avant de nous enfoncer dans les abysses du tunnel. Le premier détail qui frappe est bien sur la porte blindée. Cette porte est monstrueuse et très épaisse. un passage permet aux piétons de la contourner. Aucune trace de machine qui aurait aidé à l'ouvrir n'est visible, elle était donc probablement actionnée à la main.

Porte blindée

Gond de la porte blindée

Gond inférieur de la porte

A l'entrée du tunnel se trouve aussi un ancien feu de signalisation qui régulait la circulation des trains.

Feu latérale de signalisation ferroviairePassons à la galerie elle même. Ce tunnel est long d'environ 400 mètres, le plus long du réseau en fait 700 et passe sous tout un quartier de la ville et le plus court n'est long que de 14 mètres. Notre portion est composée d'une ligne droite et de deux virages aux entrées.

La ligne droite principaleAu fur et à mesure de la marche dans le tunnel le silence est peu à peu brisé par le vacarme de gouttes qui tombent du plafond. Les infiltrations sont très nombreuses. A certains endroits l'eau arrive à flot par des tuyaux incrustés dans le ciment, à d'autre elle passe simplement à travers le ciment.

Tuyaux évacuant l'eau qui pèse au dessus de la galerie

Tout le long de la voie se trouvent des niches de protection, ces niches placées dans les murs à intervalle régulier permettent aux ouvriers en service durant des travaux ferroviaires dans le tunnel de se mettre en sécurité au passage de trains avançant à allure réduite. La dernière est équipée d'un téléphone de secours.

Niche de protection avec emplacement pour téléphone

Le long de la voie se trouvent plusieurs petits artefacts sans valeur, gonds de porte, manilles, boulons de rails etc... Les rails se poursuivent encore et encore...

 

La voie souterraine

Manilles de levage rouillées

Rails principaux

 Soudain au détour d'une courbe nous arrivons face à de la lumière.

Dernière courbe du tunnel

Pause le long des voiesPrès de la courbe finale du chemin de fer avant la sortie se trouve les restes d'un boîtier pour téléphone de secours. Juste avant la sortie se trouve l'entrée bétonnée d'un sas piéton.

Entrée bétonnée du sas piéton

Le sas vu d'un trou dans les parpaings

Reste d'un boitier de téléphone

Nous franchissons la deuxième porte blindée et son passage dérobé derrière lequel se trouvent des ossements de chat. Nous arrivons à présent à la sortie. Le tunnel est bloqué par des grilles à sa sortie également. Nous nous arrêtons pour contempler la lumière pénetrant dans les abysses avant de repartir en marche arrière pour rejoindre la ville sous laquelle nous marchons.

Squelette de chat

Sortie

Lumière au bout du tunnel

Même ici, la nature reprend ses droits

Ce qui frappe lors de la visite de cette cavité c'est son ambiance. La nature y a très vite repris ses droits, bien sur ce n'est pas devenu une forêt luxuriante, obscurité oblige, mais l'ambiance ressemble à celle d'une grotte du aux minéraux et aux animaux qui s'y trouvent.

L'eau qui s'infiltre à travers le ciment dépose du calcaire sur les parois, menant à la création de concrétions : fistuleuses, stalactites, stalagmites et coulées calcaires. Ces formations ainsi que le bruit permanent des gouttes d'eau donnent vraiment l'impression de se trouver dans une caverne, encore plus dans les sas creusés à même la roche.

 

Fistuleuses causées par les infiltrations calcaires

Le tunnel accueille aussi une faune assez riche et typique du milieu cavernicole. D'immenses colonies de chauves-souris y trouvent refuge. L'espèce principale que l'on rencontre ici est le grand rhinolophe, une chauve souris reconnaissable à son nez aplati en forme de fer à cheval et sa forme de cocon quand il dort. Ils sont des centaines à utiliser le tunnel comme gite d'hiver (en été pour la reproduction les colonies occupent de préférence des lieux plus chauds comme les greniers).

Grand rinolophe

Colonie de Grands Rhinolophes

Petit chiroptère d'une autre espèce

 

Bien entendu, les chauves souris étant une espèce protégée, il est nécessaire de prendre certaines précautions  quand on visite un de leurs abris comme rester discret et éviter l'éclairage prolongé ainsi que le contact.

Plusieurs sortes d'insectes volants utilisent également le tunnel comme dortoir.

Papillon de nuit dans un sas

L'eau qui innonde le sas d'entrée sert aussi de lieu de ponte pour les salamandres, d'ou la présence de nombreux tétards à cet endroit, eux aussi sont protégés et il faut regarder ou on met les pieds afin de ne pas les écraser. Dans ces sas les larves grandissent sans craindre de prédateurs, elles respirent sous l'eau grace à des branchies bien visible autour de leur tête qu'elles perdent en devenant adulte. La salamandre adulte est incapable de nager et prend de gros risques à la reproduction puisque celle-ci à lieu dans l'eau.Tétard de salamandre commune

Les branchies de la larve de salamandre sont très visibles

 

En plus de servir de nurserie et de dortoir, le tunnel est également le milieu de vie permanent de tout une faune cavernicole que l'on ne retrouve normalement que dans les grottes. Plusieurs sortes de champignons et de moisissures poussent sur le bois pourri de la troisième partie du sas qui leur fourni un excellent support.

Champignons des tréfonds

Plusieurs espèces d'invertébrés profitent également des conditions de l'endroit, ces animaux sont des espèces cavernicoles et pas des animaux de surface adaptés au millieu comme c'était le cas des crabes dépigmentés rencontrés dans les égouts (voir article précédent). On retrouve principalement des crustacés terrestres tels que des isopodes (famille des cloportes), mais aussi des animaux aquatiques tels que les Niphargus, de petites crevettes aveugles et blanches (2 caractéristiques typiques des animaux cavernicoles), ces niphargus sont une espèce emblematique des plans d'eau souterrains, par un caprice de dame nature certains se sont retrouvés dans les flaques du sas secondaire.

Isopode cavernicole

Niphargus

(désolé la photo du Niphargus est très mauvaise, il faut dire aussi que l'animal ne fait pas plus d'1 millimètre, si vous voulez une idée plus précise de l'aspect de cet animal il y a de très bonnes photos sur internet)

Par l'exemple de ce tunnel, la nature une fois de plus qu'elle reconquiert toujours les territoires qui lui ont été pris et parfois en très peu de temps. Même les parois bétonnées du tunnel finissent par disparaître sous le calcaire, si cet endroit est toujours la dans 1000 ans, à quoi ressemblera t'il ?

Aujourdh'ui le tunnel et son sas ont été rebouchés courant 2018 et sont complètement inaccessibles. Le rebouchage à été fait dans le respect de l'environnement, des passages ont étés aménagés pour les chauves souris et les salamandres (c'est assez rare pour être souligné).

 

Cet endroit fut le théâtre de nombreuses visites, qu'il s'agisse d'exploration entre amis, de simple promenade pour profiter du calme ou de sorties biologies... Adieu tunnel et merci pour tout !

 

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Commentaires
P
Le tunnel n'est plus du tout accessible?<br /> <br /> Tu aurais des photos à me montrer, autre que celles déjà misent.
Répondre
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